Le Grand Prix du Roman de l’Académie française 2025 distingue « Passagères de nuit », 30 octobre 2025


Le Grand Prix de l’Académie française 2025 distingue Passagères de nuit. 
Toute notre gratitude aux membres de la prestigieuse institution.
Nous sommes contraints de partager à distance notre joie, immense, avec Yanick Lahens : des difficultés administratives la retiennent hélas sur le continent américain.

Discours lu pour elle par Sabine Wespieser quai Conti : 

« Mesdames, messieurs les membres de l’Académie française,

Je vous remercie pour cette distinction dont votre prestigieuse institution a bien voulu m’honorer. Me voilà succédant à une longue liste d’écrivains illustres comme Pierre Michon, Antoine de Saint-Exupéry, Michel Tournier, Geneviève Dormann et Amélie Nothomb, pour ne citer que ceux-là.

Je reçois cette distinction avec d’autant plus de surprise qu’il s’agit d’un roman écrit à des milliers de kilomètres de Paris et qui évoque la Nouvelle-Orléans et Port-au-Prince au XIXe siècle. Cette distinction me conforte dans l’idée que la littérature est encore dotée d’un pouvoir immense, celui de transcender le temps et l’espace. De faire fi des frontières qui nous enferment pour nous faire grandir. La Nouvelle-Orléans fut une ville-monde qui préfigure notre « Tout-Monde » en devenir, pour reprendre la formule d’Édouard Glissant. Et Haïti au XIXe siècle présente en germe les crises des pays du Sud aujourd’hui.

J’ai aussi voulu rendre audibles les voix pourtant puissantes de femmes. La littérature nous enseigne qu’aucun lieu du monde ne saurait être une périphérie. Que la condition humaine se décline en tout lieu en obscurités abyssales et en lumières éclatantes.

Je suis une écrivaine qui, dans sa solitude et sa discrétion, interroge sans cesse et doute. Et avance par tâtonnements, en hésitations, dans un monde qui, s’il m’a toujours quotidiennement nourrie, bouscule aujourd’hui mes repères anciens.

Il me faut de la force pour avancer avec, pour seule boussole, l’idée d’une humanité partagée et, comme seule arme, des mots. Juste une poignée de lucioles lancée dans la nuit. Et, toujours, j’espère que la magie opérera, que les lucioles nous feront plier les genoux, rêver, sourire, rire, verser des larmes, danser. Aujourd’hui plus que jamais nous avons tant besoin de nous décentrer pour nous retrouver.

Merci. »

Yanick Lahens
jeudi 30 octobre 2025

 

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