
- Parution : Janvier 2026
- premier roman
- N° d’éditeur : 245
- Disponible en librairie au prix de 20€
- ISBN : 978-2-84805-601-2
- Revue de presse
Assis côte à côte sur le matelas de cette chambre louée pour la nuit, deux jeunes gens restent obstinément silencieux. Ils semblent ne pas se connaître. Elle est concentrée sur un puzzle qui peu à peu colonise l’espace, lui n’a qu’une idée en tête : recommencer à « faire la machine » avec elle. La dernière fois qu’ils ont eu des relations sexuelles a également été la première pour chacun d’entre eux : c’était neuf mois auparavant, et elle est tombée enceinte. Lui voulait essayer, comme pour se prouver sa nouvelle masculinité, elle s’était laissé faire. Depuis lors, ils ne se sont pas revus. Quand elle l’a appelé pour lui faire part de la situation, le sentiment de puissance qu’il a éprouvé – il était un homme – a vite cédé le pas à ce qui deviendra son unique préoccupation : trouver une solution pour se débarrasser du problème, « le fait qu’elle avait un truc dans le ventre. » Or « le truc », l’enfant né de cette première et unique fois, est endormi dans un panier posé non loin d’eux.
Dès le début de ce premier roman étonnant de maîtrise, le contrat de lecture est clair : l’issue du huis-clos dont le cadre a été brillamment posé – avec une redoutable efficacité et sans le moindre commentaire – nous sera dévoilé par le point de vue de chacun des personnages, chacun irrémédiablement enfermé en lui-même. Obsédé par les procédures froides qu’il tente de mettre en œuvre pour se sortir du piège dans lequel il estime être tombé, le jeune homme s’enferre dans une logique sur laquelle la réalité n’a pas de prise : à aucun moment, il ne veut se représenter les deux êtres qui viennent de faire irruption dans sa vie comme des personnes dotées d’une existence ou d’une humanité. La jeune femme, de son côté, a parfaitement conscience de la monstruosité de la situation, mais cette monstruosité même semble la contraindre à une forme de repli : après avoir troqué sa virginité contre celle du jeune homme qu’elle nomme désormais « le chien », elle a laissé venir l’enfant sans apparemment se poser de questions et enfin, face à l’insistance de ce partenaire d’un jour devenu père malgré lui, malgré elle, elle a accepté de venir le retrouver pour ce huis-clos glaçant.
Timothée Zourabichvili est réalisateur : parvenant en quelques notations à créer une atmosphère et à rendre visuelles les scènes qu’il décrit, il excelle à glisser d’un point de vue à un autre, comme d’un fluide mouvement de caméra, donnant à chacun de ses personnages une épaisseur et une incarnation qui rendent d’autant plus poignante leur extrême solitude.
Car c’est bien de cela qu’il s’agit : du vertigineux isolement de jeunes gens livrés à eux-mêmes dans un monde où personne – parents, amis, entourage, pourtant présents dans le récit – ne leur témoigne rien d’autre que de l’indifférence.
Plomb, conte cruel et ultra contemporain, signe l’entrée en littérature d’un jeune auteur sachant à merveille se faire le sismographe de son époque.