24 HEURES, Cécile Lecoultre, mercredi 16 septembre 2015


« Nous sommes tous cousins, du juge au templier »

« Dans La Carte des Mendelssohn, Diane Meur tisse une toile généalogique érudite en tirant les fils du temps. Passionnant.

Lire l’entretien de Cécile Lecoultre avec Diane Meur
Cécile Lecoultre :
Vous sentez-vous parente de la soi-disant vogue de personnages réels fictionnalisés en cette rentrée ?
Diane Meur : Oh, j’avais cette idée en tête depuis une dizaine d’années, une histoire du monde fluide et joyeuse, avec plein de portes ouvertes, des aspérités dynamiques. Mais je comprends l’intérêt pour ces héros du passé. Ils tranchent avec la littérature « enfermante » qui dominait et pouvait même virer au pamphlet réactionnaire.
C. L. : Votre arbre généalogique se signale moins par ses racines que par son ample feuillage. Pourquoi ?
D. M. : L’idée de racines plongeant à la verticale dans la terre, ça ne veut rien dire. Nous sommes tous cousins, du juge au templier. C’est un des messages réjouissants qu’expédient les Mendelssohn, avec un peu plus d’envergure que la célébration de racines élitistes, protectionnistes. Ça rend l’humanité aimable. Ma carte, avec ses arborescences, est d’ailleurs un plan exponentiel avec ses lignées qui renvoient à l’infini.
C. L. : L’historienne et la romancière se bagarrent-elles parfois ?
D. M. : Le passé nous rassemble. J’avais envie de théoriser ce concept historique: « Être au monde ». Mais en cours de route, le « je » s’est imposé. Peut-être à cause de la foule des Mendelssohn. Surtout que je voulais parler de tous, ne pas me concentrer sur un seul. Partant de Moses, ce type qui au départ n’a rien pour lui, je découvre un homme rassembleur, généreux, humaniste : un guide. Du coup, j’ai voulu garder son enthousiasme, en tirer la fibre très tactile du livre, sa vitalité irrépressible. […]
C. L. : Comment maîtriser les digressions, une de vos manies avouées ?
D. M. : C’est un roman qui ambitionne de parler du monde entier. À partir du moment où je me laissais aller à ces associations d’idées, induites par la famille elle-même, j’acceptais d’affronter un monstre ! Puis venait le temps du tri entre le fastidieux, l’amusant, l’intéressant « difficile à placer », etc. Avec toujours la volonté de garder le rire, le propre des hommes. […]
Néanmoins, la carte des Mendelssohn ne constitue qu’un plan sans haut ni bas, où l’héroïne se perd.
C. L. : Comment s’y retrouve-t-elle ?
D. M. : Comme une petite fille perdue dans la forêt qui cherche l’horizon. »