Coup de cœur de la librairie HIRIGOYEN (Bayonne)


« Comme une lettre à l’absente, un vibrant journal de deuil mélancolique et lumineux, où le végétal serpente au fil des pages comme une force de consolation venue de la terre nourricière.

Si Catherine Mavrikakis avait choisi la fiction pour faire le portrait d’un père diablement romanesque, fantasque, arnaqueur et peu présent auprès des siens, dans La Ballade d’Ali Baba, elle s’adresse ici à sa mère tout juste disparue. La toute fin d’une existence hantée par la nostalgie du pays perdu, l’intimité charnelle des derniers moments insufflent à sa fille le désir de remonter le fil de la mémoire : Il faut que je cisaille dans le tissu du temps. Du traumatisme des bombardements dans le bocage normand, du Saint-Germain-des-Prés d’après-guerre jusqu’au Nouveau-Monde qui lui est toujours resté étranger. Car seules comptaient pour elle la culture et la langue françaises qu’elle vénérait. Au gré des souvenirs se dessine un lien mère-fille singulier, entre incompréhension, agacement, fusion et rejets. Pour le comprendre et accepter la séparation ultime, il faut retrouver le lien de l’enfance et le briser : Je dois me taillader, me sectionner, m’élaguer, afin d’arriver à me détacher de ton corps qui pour moi était le mien. Catherine Mavrikakis grandit dans cette curieuse famille franco-grecque qui peine à s’ancrer entre le Québec et le Michigan, des immigrants sans racines. Seul le cimetière, elle l’a décidé, deviendra leur terre natale, un lieu à rendre fertile. La fille reproche à sa mère de n’avoir aimé les fleurs qu’en bouquet, captives : tu n’as jamais cultivé ton jardin. Elle qui, au contraire, est fascinée par les plantes, les jardins comme espace sacré, lieux de célébration du vivant et du pouvoir régénérateur de la Nature : Je suis aussi capable de donner naissance au monde […]. Les fleurs travaillent toutes seules à exister. Comme un appel impérieux à la vie, contre la perte, l’absence, la solitude, la mort. »