ELLE, Jeanne de Ménibus, vendredi 11 janvier 2019


« Elle Livres : Au nom des pères »

« On aime, chez Léonor de Récondo, sa manière audacieuse de bousculer ses personnages dans leurs fondements pour mettre au jour leur nature profonde. Délaissant la fiction, voici qu’elle s’attelle à un exercice de mise à nu autrement plus intime et courageux : retracer la dernière nuit de son père. Quand la jeune femme, accompagnée de sa mère, entre dans sa chambre d’hôpital en ce soir de printemps, elle sait qu’elle en sortira orpheline. […] Quoi de plus douloureux, quoi de plus ardu que de mettre des mots sur ces moments tremblés où l’on calque son souffle sur celui, de plus en plus ténu, de plus en plus espacé, de l’homme à qui l’on doit d’être au monde ? Félix dort. […] En contrepoint de l’attente, l’écrivaine lui prête voix et livre des éclats de sa vie, comme une tentative d’en saisir l’essence et de lui rendre hommage. Et tandis que leurs partitions s’entrelacent se découvre tout ce qu’ils ont en partage : un rapport sensoriel au monde, réchappé de l’enfance, le goût de l’art, qui sublime l’expérience humaine, et le besoin de créer pour ouvrir aux autres son lieu à soi.

Léonor de Récondo a su transfigurer le déchirement en communion des êtres dans un récit intense et lumineux où résonne cette belle épitaphe : « On meurt, c’est tout, et on agrandit l’âme de ceux qui nous aiment. » »