ELLE, Jeanne de Ménibus, vendredi 2 janvier 2015


« Romance : Corde sensible »

« Violoniste baroque, Léonor de Récondo a raison de ne pas choisir entre les notes et les mots : Amours est une réussite.

À Saint-Ferreux-sur-Cher, les jours s’écoulent aussi paisiblement que la rivière. En cette année 1908, Anselme, le jeune notaire, disparaît derrière ses dossiers quand son épouse, Victoire, vaque à ses bonnes œuvres. Mais nous ne sommes pas chez Flaubert, et Léonor de Récondo n’est pas du genre à laisser une héroïne bovaryser bien longtemps. Car Victoire, n’en déplaise à son éducation sous cloche, est un esprit avisé. Quand elle découvre que la bonne, Céleste, est enceinte de son mari, elle transforme cette situation délicate en opportunité. Méfiez-vous des maisons aux ardoises trop bien alignées, nous dit Léonor de Récondo. Elles dissimulent des tempêtes intérieures et des révolutions à pas feutrés. Sur une partition mille fois jouée avant elle, d’abord interprétée avec une ironie délectable, celle qui est aussi violoniste de muisque baroque compose une variation audacieuse. Si, dans Pietra viva, elle explorait les veines figées du marbre, ici ce sont des corps bien vivants qu’elle ausculte de sa phrase aussi aiguisée qu’un scalpel. Des corps d’abord déniés, enserrés dans un corset de faux-semblants et de convenances. Mais des corps affamés, bientôt mis au jour et libérés, dans une ode superbe à la féminité et aux ressources que l’on ne soupçonnerait pas en soi. »