ELLE, Olivia de Lamberterie, vendredi 3 février 2017


« Dernier amour »

« Un homme et une femme réinventent l’amour libre : ce roman est un ravissement.

Gigi est un Italien qui aime les femmes. Pas pour les épingler à son tableau de chasse mais pour les chérir. Dans les années 70, qui prétendaient faire rimer conjugalité et infidélité, ce cinéaste a épousé une professeure de littérature avec laquelle il a eu deux enfants. Mais, se moquant des couples constitués et des dates de naissance, le coup de foudre s’invite au crépuscule de sa vie. Il voit Clara, il la veut ! Cette journaliste belge de 45 ans est mariée et mère de famille, mais « non importa! » Rien n’est banal dans cette histoire classique, parce que Gigi l’amoroso a 70 ans et que l’amour qu’il éprouve possède une saveur particulière : « On sait que ce sera le dernier. » Ce n’est donc pas d’adultère qu’il s’agit mais d’adultes qui, entre Rome et Bruxelles, entre rendez-vous clandestins à l’hôtel et vacances en Sardaigne, entre anglais et italien, inventent ensemble les règles d’un « mature love » dont la première est de ne faire de mal à personne. Sans doute parce qu’il est affranchi des luttes de pouvoir et des enjeux de domination inhérents à la jeunesse, du quotidien et de l’argent aussi, cet amour-là n’est que joie, gioiabliss.

À la mort de Gigi, sa fille Elvira découvre l’existence de cette passion dans un manuscrit laissé par son père. Jointe par la jeune femme, Clara tente de lui expliquer la nature de sa relation avec son amant voluptueux. Rarement on a lu accord si parfait, affection nourrie de films partagés : Antonioni, Rossellini planent sur ces pages. La passion est à son zénith dans une Italie déliquescente, dans une époque où l’amour dure trois ans et où les corps sont censés avoir une date de péremption.

Les romans racontent toujours la naissance de l’amour ou sa fin, Joie en expose le milieu, la plénitude, avec une fraîcheur exquise. L’auteure a emprunté son nom de plume à son héroïne de papier, Clara Magnani, et préfère rester inconnue. Est-ce une anonyme qui confie une liaison secrète et ne veut pas mettre sa vie conjugale en danger ? Ou une auteure célèbre ? Le mystère ajoute encore au charme. »