IMAGES MAGAZINE, Sophie Bernard et Françoise Huguier, juillet-août 2014


« Chez Françoise »

« Entre rétrospective et parcours dans l’œuvre de Françoise Huguier, l’exposition Pince-moi, je rêve à la Maison européenne de la photographie nous invite à redécouvrir les principales séries de la photographe. […] Cela pourrait ressembler à un tour du monde impersonnel si elle n’avait eu l’ambition de nous montrer ce qu’elle a de plus cher : ses souvenirs. Pas de nostalgie ni de mélancolie pour autant. […] Au final, un point de vue sensible mêlant travail et vie privée, classiques et inédits, vintages et tirages d’aujourd’hui, et bazar personnel. Exposition ambitieuse à la scénographie particulièrement réussie, Pince-moi, je rêve nous convie Chez Françoise […]. Émouvant et captivant, comme la photographe. »

« Pince-moi, je rêve. C’est un titre non conventionnel pour une exposition, surtout à la MEP, c’est un peu mon genre… Ce que j’ai voulu signifier, c’est que quand on fait de la photographie, on est souvent étonné. Il y a toujours un travail de recherche en amont, bien sûr. Il n’empêche, je me suis souvent dit : Pince-moi, je rêve. La découverte du monde, c’est un éternel étonnement qui peut parfois être déstabilisant.
Cela a été difficile de choisir. […] Il y a des photos que je n’ai jamais voulu montrer et que j’ai maintenant envie de présenter. Un peu pour me faire plaisir et aussi parce que, aujourd’hui, j’ai une nouvelle vision de mon travail. Le regard change entre le moment où on fait les photos et celui où on les montre. Il ne cesse d’évoluer, en fonction – c’est terrible à dire – de ce qui se passe en photographie, des films que je vois, du vécu aussi. L’œil évolue en trente ans… On est perméable, je l’avoue.
Ma mémoire véritable, ce sont mes planches-contact. Pour écrire le livre autobiographique Au doigt et à l’œil, autoportrait d’une photographe, j’ai regardé mes planches-contact et les souvenirs sont remontés à la surface, tout naturellement. Elles ont été mon guide pour me raconter. Ce que j’ai oublié, les photos me le rappellent. Tout est revenu : les sentiments, les circonstances, les sensations… C’est ça, la photo : cela suscite la mémoire, automatique ; cela réveille tout. Tout ce qui est enfoui. […]
Au début, je me trouvais ridicule avec un appareil photo sur la poitrine. […] J’étais très timide et je trouvais difficile de m’approcher des gens pour les photographier. En même temps, je n’ai jamais voulu rentrer dans un moule. Au contraire, j’ai toujours eu le désir de me distinguer. Le fait d’être une femme décuplait la difficulté. […]
Quelles qualités sont indispensables ?
Être curieux, démerde et surtout avoir des idées pour faire rêver les gens […].
La liberté. Je me suis toujours réservée des zones de liberté […]. J’ai toujours trouvé un moyen de m’échapper ! »