LA CROIX, Laurence Péan, jeudi 4 novembre 2021


« Lorsque Emmett fredonne dans les couloirs de son école Alabama Blues, une chanson contestataire écrite en 1965 pendant l’une des périodes les plus dures de la ségrégation, son institutrice se dit que c’est “une chanson trop lourde pour un enfant”. C’était pourtant l’un des blues préférés de son père, un père qui les a abandonnés, sa mère et lui, et dont l’absence a pesé toute sa vie. Si Emmett est bien un personnage fictif, l’écrivain haïtien Louis-Philippe Dalembert a puisé à plusieurs sources d’une actualité dramatique – dont ce saisissant roman se fera largement l’écho – pour imaginer la vie de son héros, qui s’est fracassée sur les illusions du rêve américain. Prénommé comme adolescent noir de 14 ans torturé et assassiné en 1955 par des Blancs, Emmett finira étouffé sous le genou d’un policier blanc, “l’air de rien, comme on fait avec le mouton de l’Aïd” comme Eric Garner en 2014 puis George Floyd en 2020… […]

Avec ce roman choral qui laissera Emmett retiré dans son silence, Louis-Philippe Dalembert arpente le chemin emprunté par ses compatriotes des lettres dans la lutte contre toutes formes de racisme. Tel le poète cubain Nicolas Guillen et son Élégie à Emmett Till, que cite Ma Robinson dans son prêche, cet “enfant noir, assassiné et solitaire, qui avait lancé une rose d’amour sur les pas d’une fille blanche”. »