LE JOURNAL DU DIMANCHE, Laëtitia Favro, dimanche 4 septembre 2016


« La mémoire assiégée »

« La romancière irlandaise dresse le portrait d’une femme hantée par la honte pour avoir aimé un criminel de guerre.

[…] À l’origine, il y a ces 11 541 petites chaises rouges installées à Sarajevo en 2012 en mémoire des victimes du siège, qui donnent son nom au roman, et la figure de Radovan Karadzic dont le personnage de Dragan s’inspire directement. Bien que coutumière des thèmes historiques et politiques, Edna O’Brien n’a pas voulu écrire sur la guerre de Bosnie, elle s’intéresse à l’histoire d’une femme ordinaire dont le destin bascule à la suite d’un adultère, banal en apparence, mais vécu comme un déshonneur dans une Irlande encore conservatrice. À travers ses personnages, au parcours souvent chaotique et marqué par le déracinement, l’auteure dresse un portrait réaliste de ce que c’est qu’être, aujourd’hui, un immigré, quelle que soit la raison pour laquelle on se résout à quitter son pays d’origine. Aux récits des horreurs vécues se superpose la beauté d’un paysage, à la prose poétique le réalisme le plus glaçant, le tout exalté par une grande liberté de ton et de style, par un sens inné de l’empathie et de la compassion, qui donnent aux romans d’Edna O’Brien cette saveur si particulière. »