LE JOURNAL DU DIMANCHE, Laëtitia Favro, dimanche 5 février 2017


« Clara Magnani, Le manuscrit inachevé »

« Sur la terrasse de sa villa romaine, le corps du cinéaste Giangiacomo G., dit Gigi, est retrouvé inanimé devant une assiette d’abricots. C’était exactement comme ça qu’il avait toujours voulu tirer sa révérence, songe Elvira, sa fille dépêchée sur les lieux. En classant les affaires du défunt, Elvira découvre le manuscrit inachevé d’un journal narrant la dernière histoire d’amour de son père avec une journaliste belge de vingt ans sa cadette, Clara Magnani. Curieuse de connaître celle qui a, semble-t-il, représenté bien plus qu’une aventure adultérine, Elvira décide d’écrire à la journaliste et de lui remettre le manuscrit de cette fantaisie à quatre mains que Clara se doit maintenant de terminer. Alternant les adresses à son amant disparu et à la fille de ce dernier, Clara revient sur les moments de grâce passés avec Gigi, ce voluptueux amoureux des femmes, et la gioia caractéristique de ces histoires d’amour où seul compte le plaisir des retrouvailles.

Difficile de ne pas entendre résonner, à la lecture de ce premier roman lumineux, le cha bada bada d’Un homme et une femme, auquel font allusion Gigi et Clara lors d’une escapade parisienne. À quoi peut-elle tenir, la félicité de cette histoire pourtant taboue d’un amour clandestin doublé d’un amour vieux ? Si l’âge des protagonistes semble les prévenir des erreurs propres aux passions adolescentes, le récit de leur mature love ne dissimule rien des affres que le temps fait peser sur leur corps comme au-dessus de leur tête. La spontanéité de leurs rendez-vous, la géographie renouvelée de leurs escapades ainsi que le caractère inéluctable de leur attirance, prennent néanmoins le pas sur ce que la société tend encore à qualifier de répréhensible : l’adultère, l’amour senior. Préservant élégamment sa part du mystère, qui reste entier quant à l’homonymie de l’auteure et de son héroïne, Joie analyse avec finesse l’alchimie complexe d’une passion amoureuse. »