LE MATRICULE DES ANGES, Yves Le Gall, juin 2014


« Libérer la parole »

«  La différence féminine a certainement besoin de refuges pour produire un discours qui soit vraiment le sien. Le roman de Fiona Kidman, Le Livre des secrets, le démontre avec beaucoup d’habileté. […]

Remarquée en France avec Rescapée, un roman traitant des relations entre les sociétés blanche et maorie, Fiona Kidman a consacré Le Livre des secrets au thème de la transgression au sein d’une culture étouffante et moralisatrice. Le premier texte de cet écrivain vivant à Wellington, A Breed of Women (1979) décrivait déjà les épreuves d’une jeune femme se heurtant à l’étroitesse d’esprit.

L’écriture de Fiona Kidman est toujours simple et réaliste, dissimulant une construction souvent complexe. Dans Le Livre des secrets, le patriarcat, la domination sectaire et masculine s’inscrivent dans une linéarité temporelle et historique qui est aussi celle d’un langage dont les femmes doivent se démarquer. Plus que de donner la parole à des voix qui ont été bâillonnées, il semble que l’ambition de Fiona Kidman soit bien d’ouvrir un espace à des narrations alternatives, affranchies des dominations les plus ancrées.

Le roman obéit ainsi à des cycles. Il commence en 1953 et se termine la même année, dans la même maison, celle de Maria. Entre ces deux moments, de nombreux segments de la vie de sa grand-mère Isabella mais aussi de sa mère Annie s’entrecroisent, faisant écho à son destin tragique. Alternances de phrases de soumission, de compromis, de résistance se télescopent. Un passage émouvant du roman est celui où Isabella raconte comment après avoir subi un viol, elle s’est réfugiée dans une grotte. […]

La maison de Maria, la grotte d’Isabella ne sont pas qu’espaces clos et lieux d’exil mais deviennent des espaces de gestation d’autres discours que ceux qui nous ont depuis toujours hypnotisés…  »