LIVRES HEBDO, Kerenn Elkaïm, vendredi 5 juin 2020


Mourir ou grandir
« Le premier roman de Dima Abdallah montre les dégâts de la guerre au Liban sur une enfant et son père. « La mémoire est une affaire délicate ». Celle de l’héroïne des Mauvaises herbes est perturbée par une enfance brisée par la guerre qui ravage le Beyrouth des années 1980. La fillette aux bouclettes sent bien les adultes se métamorphoser. L’inquiétude et la peur les étreignent, mais elle refuse de perdre son entrain ou son imagination. Elle se sent différente des autres enfants. « Gare aux rebelles. Gare aux inaptes. »

Elle dispose heureusement d’un géant protecteur. Cet homme beau et chevaleresque est « une gigantesque étoile qui illumine tout ». Il s’agit de la figure paternelle, dont la voix s’exprime aussi entre ces pages. Il veut être « le gardien » de son enfant chérie, mais son pouvoir est limité. Le danger menace, et il décide d’envoyer sa femme et sa fille en exil, en France. Cela devrait constituer une chance, mais cet arrachement au père adoré plonge la fillette dans une longue dépression. Chacun perd une part de soi. Elle grandit dans l’aliénation, tandis que son père est rongé par la culpabilité. Elle désire « tuer avant. Tuer tout le passé. Nous tuer. »  Sa plaie revit sous la plume de Dima Abdallah. Née au Liban, cette archéologue de l’Antiquité tardive fouille les strates des liens familiaux pour retrouver une paix intérieure. »