LIVRES HEBDO, Laëtitia Favro, juillet-août 2023


Noblesse oblige

Louis-Philippe Dalembert s’inspire de Rome pour esquisser la trajectoire de quatre femmes d’exception.

« Nous sommes dans la Ville éternelle, sur les deux rives du Tibre, quelque part entre l’aube et la chute du XXe siècle. » Sur la rive droite du fleuve, la contessa veille sur l’héritage moral et matériel de sa famille, que les revers de fortune n’ont pas épargnée. Sa fille, Elena, a 22 ans en 1957, l’année où la chanson Tu vuò fà l’Americano de Renato Carosone envahit les ondes. Les jeunes femmes de son âge portent des minijupes, boivent du whisky soda et dansent le twist. Comme elles, Elena veut « faire l’Américaine », quitte à se heurter aux convenances si chères à sa mère. Refusant d’épouser les bons partis que sa famille lui présente, elle quitte son quartier natal et commet l’impensable : construire son existence sur la rive gauche du Tibre, avec un homme de confession juive qui plus est. Partagée entre sa fascination pour sa grand-mère et pour l’insubordination de sa mère, Laura, la fille d’Elena, grandit dans l’ombre de ses aînées. Quatrième figure féminine du roman, la zia Rachele règne via Guilia, sur la rive gauche du fleuve, qu’elle inonde des sonates de Rachmaninov et Prokofiev, son chat Pouchkine « vautré à longueur de journée sur ses genoux ».

Après avoir immergé son lecteur au cœur des États-Unis et de leurs ghettos dans Milwaukee blues, finaliste du prix Goncourt 2021, Louis-Philippe Dalembert entrelace les destins de quatre femmes d’exception dont le lecteur suit avec délice les grandes révoltes et petites résignations, au cœur d’une ville à la hauteur de leurs rêves et de leur démesure.