LIVRES HEBDO, Olivier Mony, vendredi 17 mars 2017


« Tombée du ciel »

« Des années 1930 qui en furent prodigues, elle est l’une des figures les plus mystérieuses. Une icône, surnommé en son temps « la Garbo du ciel ». Qui se souvient pourtant, hormis les amoureux de l’histoire de l’aviation, de Jean Batten ? Elle était téméraire jusqu’à l’inconscience, avait un usage des hommes aussi récréatif que limité, bien souvent, aux rôles de mécènes et banquiers, jouait à saute-mouton dans les nuages entre deux continents et aimait d’un amour inconditionnel et complice sa mère. Elle était belle aussi et secrète. Et la guerre venue, qui n’est pas une affaire de femme, elle tombera du ciel pour ne plus se relever. Non pas disparue en plein ciel comme sa rivale dans le cœur des aficionados de l’aviation, Amelia Earhart, mais comme absente à elle-même et à son fidèle Gipsy Moth dans lequel elle ne remontera pas. Elle se fera oublier et y parviendra aussi bien qu’elle savait relier entre eux les lointains de son cher Empire britannique. Elle qui avit croisé aussi bien Churchill que Garbo ou Ian Fleming, qui avait fasciné les foules de Rome jusqu’à Paris, ira de-ci de-là, vagabonde sans bagages. La mort la trouvera (à moins que ce ne soit l’inverse) en Espagne, dans un hôtel de Majorque, oubliée de tous, victime, semble-t-il, d’une morsure de chien. Elle ne sera rendue publique, pour ses « proches » y compris, que quelques années plus tard.

Un tel destin, à la fois infiniment romanesque autant que lacunaire quant à ce qu’on en sait, ne pouvait rester ignoré de sa compatriote, la romancière néo-zélandaise Fiona Kidman. Pour l’auteur de Rescapée ou du Livre des secrets (Sabine Wespieser, 2006 et 2014), le roman national s’incarne d’abord dans des figures de femmes. Avec Fille de l’air, elle le prouve à nouveau avec un brio qui ne se paye pas sur la bête du style. Ce qui passe entre ces pages, c’est moins le grand souffle de l’histoire que celui du romanesque. Cette biographie qui se lit comme un roman puisque, après tout, elle en est un, est d’abord celle d’un secret. Celui, peut-être ignoré d’abord d’elle-même, de son échec, de son chagrin. Comme les nuages le font parfois, Jean Batten s’est dissipée. »