UNTITLED MAGAZINE, Mathilde Jarrossay, mercredi 1er septembre 2021


« Une épopée familiale se tisse dans le nouveau récit de Marie Richeux, remontant le temps et le fil de ses aïeules, elle détricote son récit familial.

Lorsqu’elle tombe nez à nez avec une figure de la Vierge durant des vacances d’été qui porte cette inscription Et à l’heure de notre ultime naissance, Marie Richeux ressent le besoin de fouiller dans les entrailles de son récit familial, de ces naissances si particulières dont les femmes de sa famille sont issues : celle d’une génération de filles-mères.

Entre Paris, Reims et autres lieux de vacances, elle mène une enquête sur ces femmes qu’on a si souvent dénigré pour avoir donné naissance à des filles sans père. Elle tisse le récit de celles-ci de la même façon qu’elles ont tissées le fil dans les ateliers.

La maternité

Marie Richeux dévoile la puissance de la maternité dans un récit sensible et universel. C’est son expérience de mère qu’elle met en exergue entre les lignes, les questions de sa fille qui ont la teinte de la naïveté des enfants et en même temps le goût de la vérité. Ces “sages femmes” sont à la fois celles qui accouchent mais aussi celles dont le savoir sauve les vies. L’auteure nous invite dans sa sphère privée à la rencontre des femmes de sa vie, cette tante qui joue aussi le rôle de la mère, sa propre mère puis viennent les archives.

“La honte était un trop petit mot pour dire le sort que l’on avait réservé à ces femmes et à leur famille. Nés hors mariages, les batards formaient avec leur mère un couple que l’on ne devait pas voir.”

C’est le temps des interrogatoires pour Marie Richeux pour comprendre ce lien qui unit les femmes qui l’entourent mais aussi les femmes et leurs filles comme elle et la sienne. Avec plein de sollicitude, elle se penche sur sa lignée de filles-mères. Marie Richeux remonte le temps et celui de ces aïeules jusqu’à Reims, pose des questions à des historiennes et des archivistes, pour comprendre et retrouver celles avant elle. Elle pose ainsi des questions sur le destin de ces mères, seules avec un enfant dans un monde qui les rejette.

Le fil

Ce doux récit est une ode à la maternité, à la féminité et au destin de celles qu’on a tenté d’effacer dans les registres. C’est une quête pour ne pas oublier et pour rendre hommage que mène l’auteure.

“Dans les langues anciennes, le mot fil rejoignait le mot destin, qui rejoignait le mot vie, qui rejoignait le mot vêtements, qui rejoignait le mot maison, qui rejoignait le jardin des pensées, qui rejoignait, et sans aucun détour, celui désignant le giron maternel.”

Dans sa généalogie féminine, Marie Richeux tombe sur un atelier de tissage rémois où ses ancêtres auraient travaillé. Ces femmes, jeunes mères, tissent, comme elles tentent de tisser le fil de leur destin. L’auteure tire les fils tout au long de ce récit, ceux des ouvrages réalisés comme les courtepointes de l’Hôtel-Dieu dont tout le monde semble avoir oublié l’existence et la naissance. C’est aussi le fil de la vie, celui que les Parques tiennent entre leurs mains.

C’est un hommage à ces vies minuscules, ces femmes fortes qui tenaient entre leurs mains leur destin, qui pour s’en sortir ne lâchent pas. C’est une métaphore qu’écrit Marie Richeux, ces tisserandes, ces femmes, ce fil de la vie.

Marie Richeux livre une enquête sur les femmes de sa vie et le destin de celles qu’on a tenté d’effacer. Un regard sur la maternité aussi doux que dur comme l’était la réalité pour ces filles-mères. »