AVOIR-ALIRE.COM, Oriane Schneider, mercredi 8 août 2020


« C’est un premier roman de Dima Abdallah, archéologue née au Liban, que Sabine Wespieser choisit de publier pour la rentrée littéraire 2020. L’autrice y fait se rencontrer les voix d’une fille et de son père, dans un dialogue passionné et désespéré, autour de l’exil et de la dislocation des liens familiaux.

Résumé : Dans ce premier roman, Dima Abdallah fait se rencontrer les voix d’une jeune fille et de son père dont la vie sera bouleversée par la crise que traverse Beyrouth dans les année 1980. Dans un dialogue à la fois passionné et désespéré, l’autrice développe une relation père-fille passionnée sur fond de guerre civile. Les mauvaises herbes, ce sont ces deux personnages insurgés contre le monde qui les entoure, ce monde qu’ils ne comprennent pas.

Critique : Ce livre n’est pas un témoignage sur la guerre, c’est une histoire d’amour, intense et pleine de souffrance, entre les deux protagonistes du roman. Les « mauvaises herbes » dont parle le titre, ce sont les inadaptés, les marginaux, à l’image de cette fille et de son père, fondamentalement libres et dissidents. Une mauvaise herbe pousse là où elle ne devrait pas, ce qui est le sentiment partagé par les deux personnages.
L’exil occupe une place importante dans ce récit, puisque la jeune fille y sera confrontée à l’âge de douze ans, forcée de quitter son Liban natal, pour émigrer en France. Mais c’est l’exil intérieur qui prend beaucoup plus de place, Dima Abdallah nous montre à quel point on peut se sentir étrangers aux autres, même dans un environnement familier. Hostile et violent, le monde dans lequel évoluent ces deux héros ne leur correspond pas, ils le rejettent et le critiquent farouchement.

Le père, un intellectuel aux tendances libertaires, est une personne libre et en souffrance, au milieu de la guerre confessionnelle qui sévit à Beyrouth, à laquelle il est complètement étranger. Sa fille, quant à elle, est à la marge de ses camarades et amis, semble à côté de la plaque, n’arrivant pas à s’adapter aux autres, que ce soit durant son enfance dans la capitale libanaise ou plus tard, lorsqu’elle grandira à Paris. C’est cette différence qui est mise en exergue à travers ce roman, pour dire à quel point elle est dure à vivre dans un univers qui se veut uniforme et réglé comme du papier à musique.

« Je me fais l’impression d’un cube qu’on essaye de faire entrer dans un moule rond et étroit. On a beau tourner le cube dans tous les sens, ça n’entrera pas, on a beau en limer même un peu les coins pour les arrondir, ça reste un cube. » (p.66)

Le sujet central de ce livre est finalement la relation père-fille. La mère et le petit frère sont tous les deux très peu présents dans l’histoire, tout comme la guerre civile qui n’est finalement qu’abstraite. Un véritable huis clos s’installe entre les deux personnages, dont le dialogue s’articule autour de la distance qui s’installe petit à petit entre eux, de la fêlure des liens qui unissaient leur famille, de leur incapacité à s’adapter à un monde devenu fou, le tout conduit par un fil botanique : en effet, ils se retrouvent dans cet amour des plantes au quotidien, dans ces mauvaises herbes auxquelles ils s’identifient.
C’est un premier roman au style percutant que Dima Abdallah fait paraître chez Sabine Wespieser. Une très belle histoire sur les inadaptés de ce monde, une ode à la liberté et à l’amour, une precieuse découverte pour la rentrée littéraire 2020. »

« Je suis d’la mauvaise herbe,
Braves gens, braves gens,
C’est pas moi qu’on rumine
Et c’est pas moi qu’on met en gerbe…
 »

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