BLOG ENCRES VAGABONDES, Marie Louise D’Orcisto, lundi 6 février 2023


Comme ce titre va bien à la narratrice, à la femme, à Michèle Lesbre. Entière, engagée, dès les premières heures, ne lâchant jamais, de livre en livre, son combat contre la vacuité, la dérive du monde ; de ce monde qui efface sans regarder, inexorablement le passé.

La Furieuse est une rivière qui n’a d’importance que pour ceux qui s’en approchent, la vivent.
C’est au long d’une centaine de pages, découpées en courts chapitres que Michèle Lesbre nous emmène, avec la force poétique qui est la sienne, de méandre en méandre, en une lente et somptueuse dérive existentielle. Où les points d’ancrage seraient les cafés, les chambres d’hôtel anonymes – « J’écrivais dans ma chambre, ma chambre de passante, comme toutes celles qui n’en font qu’une pour moi, chambres d’hôtel, chambres d’amis, chambres ferroviaires et qui nourrissent l’endroit où je reviens toujours, à Paris. » – où sa déambulation la mène pour y jeter ses mots. Le ciel merveilleusement gris de Paris trouvant un écho sur les quais au petit matin, la lumière de la plaine du Po, le froid d’un Est figé, éclairé par les grandes figures tutélaires de la littérature, et l’art, vécu, dans un palais, une chapelle ou tout simplement un mur.

Léon et Mathilde, aïeuls dédicataires du livre, dépositaires de cette enfance lointaine et toujours proche, nimbée de leur beauté « L’instant et son ombre », « belle définition de la photographie… ils m’entrainent dans leur nuit, mais la lumière du petit étang, du soleil dans la cour de la maison, des tilleuls en fleurs, des voix dont l’écho se perd aussitôt me rassurent. Certains morts ne meurent jamais vraiment ».

Et de citer, relire, Isaac Babbel, Joseph Roth, Claudio Magris, Julien Gracq, Pavese et tant d’autres qu’elle nous offre, stations où la vie qui se déroule, les villes, les pays qu’elle traverse font surgir une guerre, un combat, une douleur, la magnificence de l’amour, de l’amitié.

Viennent aussi les tableaux de Courbet, le cinéma d’Antonioni, ces aubes et ces nuits, ces découvertes et les autres.
Les autres, ombres de passage dans le récit, qui réchauffent, blessent, nourrissent, tout est un passage dans l’existence, que Michèle Lesbre partage avec nous.

Autobiographique et universelle, La Furieuse, serait « la face cachée » d’une œuvre singulière, forte où la voix de l’autrice en un style superbe nous dévoilerait, cadeau inestimable, la lumière, l’odeur, les couleurs de cette vie qui est la sienne.

Un livre à emporter, qui longtemps vous portera.

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