BLOG « LILI AU FIL DES PAGES », jeudi 2 septembre 2021


« Marie Richeux est productrice et animatrice d’une émission quotidienne sur France Culture. Elle a publié trois livres chez Sabine Wespieser dont Achille et Climats de France qui ont reçu des prix mérités.

Avec Sages Femmes, l’auteure décrit Marie, une jeune femme penchée sur Suzanne, sa fille qui ne cesse, comme tout enfant, de poser des questions. Cela commence avec des rêves de chevaux fous et la question “Elle est où la maman ?”.

Il y a un été au milieu du Causse, Marie se trouve en pleine nature et à un croisement et là s’élève une statue. Celle d’une Vierge au ventre rebondi où sur le socle est écrit Et à l’heure de notre ultime naissance… Cette inscription est un déclic, une invitation pour Marie qui a besoin de savoir qui elle est, d’où elle vient… Il semble que, dans cette famille, depuis le XIXe siècle les femmes ont donné naissance à des filles et que la trace du père s’est comme évanouie. Une généalogie de mères célibataires.

Tout en veillant sur Suzanne, Marie remonte le temps. De quoi vivaient ces femmes, celle de sa famille et toutes les autres vivant dans les mêmes conditions ? Elle fait appel aux historiennes, enquête. Quel était le travail réservé aux femmes, leur statut, comment étaient-elles considérées ? Beaucoup, dans la région de Reims, par exemple étaient employées au tissage…

Ah, les fils qui s’entremêlent et quelque part offre le tissu, celui de la vie ! Oui, ces femmes étaient courageuses, si peu payées que certaines poursuivaient leur labeur à la sortie de l’usine en vendant quelques charmes…

Si ce roman raconte les femmes, il ausculte aussi la figure de la femme dans la société et dans la spiritualité qui au XIXe était encore très présente. Ce qui donne à ce beau texte un souffle dans l’explication des destinées. Mais qu’on ne s’y trompe pas, sous la plume de Marie Richeux, ce roman d’une grande richesse, écrit avec beaucoup de poésie est un éloge à la femme. À toutes celles qui ont lutté pour conquérir leur liberté, dont nous sommes les héritières.

Et l’auteure de faire dire à son héroïne qu’après le détour opéré au XIXe siècle, elle a pu prendre sa place dans le peuple secret des tisserandes. Belle image pour parler du fil qui, dans les langues anciennes, signifie destin.

Oui, les femmes, le fil au bout des doigts, ont tissé nos vies, ont installé la toile du temps capable de bercer nos destinées. “Tisser, penser, donner naissance.” Elles nous ont appris à “ne pas éviter la blessure”, à oser.

Merci à elles et bravo à l’auteure ! »