BLOG « LILI AU FIL DES PAGES », vendredi 22 octobre 2021


« On sait beaucoup de la vie de Camille Saint-Saëns, musicien. Jeune prodige, organiste, compositeur, il fut connu, reconnu, voire adulé en France et dans le monde. Une tante fut sa professeure de piano et sa mère a veillé sur lui. Il avait été un enfant fragile, d’où la prescription des bains de mer et de fréquents séjours à Dieppe. Sa mère a peut-être fait de lui un hypocondriaque.

De sa personnalité nous connaissons aussi les grands traits. Un mariage tardif, plutôt arrangé. Deux enfants qui naissent, mais ne vivront pas longtemps. L’un décédant accidentellement (Camille Saint-Saëns accusera sa femme de ne pas l’avoir suffisamment surveillé), l’autre, nourrisson que la mère ne peut plus nourrir, s’envolera vers d’autres cieux. Le mariage n’y survivra pas.

On a prêté à Camille Saint-Saëns une attirance pour l’homosexualité, mais rien n’est certain, d’autant plus, qu’à l’époque, la bonne société masquait ces mauvais penchants

Ce qui est intéressant dans l’ouvrage de Vincent Borel, critique musical et dont l’œuvre littéraire fait la part belle à la musique, c’est la façon dont il a abordé la vie du musicien. Il analyse l’être humain, le peint pour mieux le comprendre. Il nous le montre un soir de décembre 1889, alors qu’on prépare Ascanio à l’Opéra de Paris, ou plutôt il choisit de commencer ce récit proche d’une biographie, car c’en est une, avec l’absence du musicien qui fuit, entreprend de voyager, toujours vers le Sud, le chaud lui fait du bien… L’auteur de ces pages raconte le musicien qui voyage sous un nom d’emprunt, car il est très connu. Charles Sanois erre à la Grande Canarie. Sa mère vient de mourir, son meilleur ami s’est suicidé… Là où il habitait, rue Monsieur-le-Prince à Paris, il a perdu ses enfants. Sa tante, celle qui lui a tant appris en musique, n’est plus et une épidémie de grippe meurtrière sévit (ce n’est pas encore la grippe espagnole), mais celle-ci est sérieuse…

Dirions-nous aujourd’hui que le musicien plonge dans une profonde dépression dont on se demande qui va le sauver ? Les gens simples des lieux ? Une musique entendue ? Il prête l’oreille et reconnaît sa Danse macabre. Il entre, incognito dans le lieu, voit le clavier. Ah, comme il aimerait y poser ses doigts ! Tandis qu’à Paris, on le cherche, on le traque, on se désespère. Le maître absent, Ritt, le directeur de l’Opéra va se trouver dans de beaux draps…

Pour le musicien, une sorte d’ange va croiser son chemin. Un très jeune homme venu d’un tout autre milieu qui a la grâce et la beauté et le désir de la connaissance, en lui les mots fleurissent, sa lumière irradie le musicien.

Ces pages proches de la biographie sont tel le roman des errances d’un créateur à qui les dieux ont tout donné, sauf peut-être l’essentiel, l’amour… Mais qu’est-ce que l’amour ? »