MONDES DES LIVRES, Macha Séry, vendredi 21 août 2015


« Critique : La Carte des Mendelssohn »

« À la fois Circé du fait du puissant attrait exercé par son récit vagabond entre découvertes historiques et déboires personnels, et Clio par la pédagogie qu’elle manifeste lorsqu’elle expose, par exemple, l’affaire Lavater (1769-1770) qui opposa Moses Mendelssohn au penseur luthérien, Diane Meur ­retrace la lignée du philosophe des Lumières comme s’il s’agissait d’un pays aux frontières mouvantes. Elle nous fait découvrir cette contrée riche en monuments et angles morts. Comment, depuis le ghetto de Dessau (Allemagne) dont Moses était originaire, s’est déployé, deux siècles plus tard, un éventail de destins parmi lesquels on dénombre une ­ursuline, des officiers de la ­Wehrmacht et un planteur de thé à Ceylan ?

Une première idée avait effleuré la romancière : consacrer un ouvrage à la vie d’Abraham Mendelssohn. Mais cet obscur banquier, l’un des fils de Moses et le père des musiciens prodiges Felix et Fanny, avait déjà bénéficié d’une grosse biographie en Allemagne. Qu’eût-elle ajouté de plus ? Elle a donc baguenaudé, transformant le projet biographique en roman vécu d’une recherche documentaire, laquelle a pris des proportions incroyables. Car cette quête d’érudition s’est apparentée pour Diane Meur, ainsi que le raconte son ­livre, à une obsession aussi intime qu’insatiable. Avec La Carte des Mendelssohn, son cinquième roman, l’écrivaine réinvente brillamment le genre de la saga, en explorant les thèmes de l’héritage et des liens du sang. »