DIACRITIK, Catherine Simon, vendredi 17 février 2017


« Rentrée d’hiver 2017 : Du plus loin qu’elles s’en souviennent »

« D’Olympe de Gouges, il est aussi question, un instant, dans le récit incisif et rêveur de la romancière Michèle Lesbre, Chère brigande, consacré à une Robin des Bois bretonne du XVIIIe siècle : Marion du Faouët. À l’instar d’Olympe de Gouges, qui signa la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne et fut guillotinée, Marion du Faouët, bandite de grands chemins, finit sa courte vie au gibet, à l’âge de trente-huit ans. Michèle Lesbre, qui signe ici son onzième livre, est partie sur ses traces. Chère brigande est un carnet de voyage, un subtil jeu de ricochets : sous la forme d’une lettre à la disparue, ce récit bref (80 pages) s’offre comme une promenade douce-amère dans une mémoire française – celle des luttes pour la justice et la liberté.

Née en 1717 dans le Morbihan, Marion du Faouët est une Bonnie sans Clyde : la cheffe de bande, c’est elle. Entourée de ses hommes, des pillards pas soudards, elle s’est beaucoup amusée à détrousser les riches pour distribuer aux pauvres. Elle s’est bien amusée tout court. Et sa vie hors normes agit comme un miroir, où les espérances, les croyances passées, les révoltes de l’auteure se reflètent, s’interrogent. De la guerre d’Algérie à la jungle de Calais, les parias d’hier et d’aujourd’hui se croisent et se font signe. Penser à Marion du Faouët, c’est penser à la petite Anita, une sauvageonne de six ans, fille de gens du voyage, les mains noires et le regard plein de défi, à laquelle Michèle Lesbre, autrefois enseignante, avait eu le temps d’apprendre à lire.

Le récit entraîne le lecteur des trottoirs parisiens, où apparaît et disparaît une troublante sans-logis à la chevelure rousse, jusqu’en Bretagne, aux monts d’Arrée et aux rues de Quimper. Passé et présent se questionnent, comme dans un jeu de glaces. Marion du Faouët est une mauvais herbe, une jeune inconnue à la révolte vive, dont l’orgueil résonne jusqu’à nous. Tu m’as sauvée pendant quelques jours de notre démocratie malade, des grands voleurs qui, eux, ne sont presque jamais punis parce qu’ils sont puissants, de ce monde en péril, lui écrit à la fin Michèle Lesbre. Le voyage continue. »