ELLE, Flavie Philipon, jeudi 3 novembre 2022


Parmi tous les fantômes de Gabriel Byrne, il en est un qui occupe la première place dans son cœur. Marian, sa petite sœur chérie, qu’il accompagnait à ses leçons de danse. Entre eux vibrait un amour parfait, brutalement brisé, un jour, par un coup de téléphone. Au bout du fil, l’hôpital psychiatrique. La jeune fille s’est effondrée en pleine rue, prise par des convulsions d’origine inconnue. Elle sera internée jusqu’à sa mort, à 32 ans, et ni les traitements ni les médecins ne viendront à bout du tourment qu’il emprisonnait. Armé d’une somptueuse mélancolie, l’acteur reconstitue le décor poétique de l’enfance, à la recherche des impressions de sa jeunesse. Tour à tour affleurent la rue de Dublin, où il grandit, peuplée de personnages fascinants, le dancing du quartier où il dansa avec son premier grand amour… Figé dans la peau du petit garçon sensible, introverti, qui rêvait d’actrices de cinéma, Byrne poursuit à travers ses souvenirs une saisissante quête de sincérité. L’alcool ? Il en a trop abusé, frôlant souvent la perdition, jusqu’à l’ultime gueule de bois qui le força à se soigner. Le pardon ? Il n’a jamais pu l’accorder au prêtre prédateur qui a abusé de lui, alors qu’à 11 ans il se voyait entrer dans les ordres. De ses débuts, dans une troupe itinérante, à ses triomphes sur Broadway, jouer demeure toujours un mystère, une épreuve renouvelée, un lieu imaginaire où il sait qu’il pourra toujours trouver refuge.