FRANCE CULTURE, « Par les temps qui courent », Marie Richeux, mardi 13 octobre 2020


Dans Sous le ciel des hommes, Diane Meur imagine, un micro-Etat au cœur de l’Europe, le grand-duché d’Eponne, dans lequel le journaliste Jean-Marc Féron décide d’accueillir Hossein, un migrant soigneusement sélectionné pour son prochain livre. Dans un autre quartier de la ville, un groupe d’amis écrit un pamphlet contre le capitalisme. Subtile connaisseuse des méandres de l’esprit humain, Diane Meur dévoile petit à petit la vérité de ces divers personnages, liés par des affinités que, parfois, ils ignorent eux-mêmes. Tandis que la joyeuse bande d’anticapitalistes remonte vaillamment le courant de la domination, l’adorable Hossein va opérer dans la vie de Jean-Marc Féron un retournement bouleversant et lourd de conséquences.

Extraits de l’entretien

“Je ne peux pas m’imaginer entrer dans une fiction autrement qu’en inventant un monde. Par le passé, même quand j’ai évoqué  des lieux réels, il fallait que je les invente en partie, et que je me les recrée dans mon espace mental. Ce qui est important pour moi, surtout pour le début, c’est de laisser naître ces images mentales, dont je ne sais pas si elles viennent de la mémoire ou de l’imagination. Le tableau de cette ville endormie me paraissait très important, avant une intrigue, qui est quand même menée tambour battant, et dans laquelle il se passe beaucoup de choses. On sent que c’est un sommeil, où on ne dort que d’un œil.” Diane Meur

“Ce roman a eu une genèse un peu complexe, mais dès le départ, il était clair pour moi que ce serait, avant tout, un roman sur l’exil et sur des figures de réfugiés. Dès le début, cette figure du déraciné, du transplanté, du réfugié était au cœur de mon projet, d’où le choix du jeune migrant qui va permettre au journaliste Jean-Marc Féron de faire un « bon sujet ». Au départ, il le voyait comme un sujet de reportage, et non comme un être humain, et il se voyait lui-même comme un homme généreux. Mais tout cela était une construction, quelque chose qui avait peu à voir avec l’éthique, et face à ce jeune homme, il est pris d’une crise existentielle et morale, et en quelque sorte, il se décompose, et achoppe sur la réalité de cet autre. Finalement, l’éthique le rattrape et va peu à peu faire remonter chez lui un traumatisme de l’enfance, qui n’a rien à voir avec l’exil et la migration.” Diane Meur

“J’avais écrit des bribes de ce pamphlet, j’avais déjà des titres de chapitres, dans lesquels je savais ce que je mettrais, mais je trouvais que ce n’était pas forme qu’il me fallait, et au final, je n’avais pas envie de le publier en tant que tel. En fait, je voulais montrer comment ces idées naissent, et peuvent s’incarner dans des personnages qui les mettent en œuvre. Je voulais également que ce soit plus dialogique. Un pamphlet, c’est un discours monolithique, et là, je voulais un discours pluriel, polyphonique, où plusieurs sensibilités pouvaient se rencontrer. Il me semblait plus intéressant et plus porteur, de montrer la façon dont une idéologie pervertit les personnages, ou les modifie, à travers des scènes de roman, plutôt qu’à travers un pamphlet.” Diane Meur

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