INITITALES MAGAZINE, François Reynaud (librairie Les Cordeliers à Romans-sur-Isère), mai 2023


C’est la nuit et les peurs arrivent. Des peurs nocturnes qui assaillent une femme de quatre-vingt-quatre ans et qu’il faut combattre pour arriver jusqu’au petit jour indemne. Michèle Lesbre se tourne alors spontanément vers sa bibliothèque, le vade-mecum dans lequel elle va puiser nombre de lectures salvatrices qui, en moins d’une ligne, l’emporteront loin de son appartement parisien.

Elle va convoquer des écrivains de fleuves et de rivières, Claudio Magris, Julien Gracq, Hubert Mingarelli, Esther Kinsky et tant d’autres qui l’invitent au voyage. Magie de la littérature, l’errance commence alors dans la demi-conscience, comme abandonnée dans une barque dirigée par le flot hasardeux du courant. Ça va mieux. Et Michèle se fait une promesse. Une promesse à court terme. Au printemps, elle ira voir la Furieuse, cet affluent du Doubs, dont le nom la fait rêver. C’est une promesse de voyage, donc, qui n’empêche pas pour autant de partir aussitôt, par la pensée, vers cette destination qu’un peintre, Gustave Courbet, lui a soufflée.

Impossible de résister au charme plus mélancolique que jamais de cette écriture qui multiplie les allers-retours entre la littérature, les voyages et les rêves de voyage. La Furieuse est un récit bouleversant aussi par ce qu’il a de crépusculaire. La fin approche, c’est une évidence, et le temps va manquer. Il faut alors savoir s’entourer d’auteurs chers, ces êtres de papier qui ont toujours su trouver les mots. Et dire au revoir en passant à Léon et Mathilde, ces grands-parents auprès desquels elle a appris, il y a très longtemps, l’art de la rêverie et de l’ennui, une canne à pêche à la main.

Le texte est court, la beauté à chaque page, la tendresse comme enveloppe. De la poésie en forme de barque, en fait, vous l’aurez compris. Ouvrez ce livre et laissez-vous porter.