LA CROIX, Laurence Péan, jeudi 1er avril 2021


« Parias donne la parole à un père, depuis la prison où il croupit pour un forfait dont l’objet se dévoilera peu à peu, et à son fils qui a dû se réfugier dans une famille d’un quartier pauvre de la ville, le PK7. Un chapitre après l’autre, le père et le fils racontent la douleur d’un bonheur perdu à jamais en deux confessions déchirantes mais qui ne se répondent pas, chacun semblant étranger à l’autre, leurs mots comme un cri jeté à la face d’un destin qui les a trompés.

La violence de la rue

Le père s’adresse à sa femme, la mère du petit garçon, qu’il a éperdument aimée jusqu’à la folie assassine, une femme à la beauté funeste qui méprisait ces Bédouins, étranges et sales », son peuple, dont il a partagé et aimé l’errance. Pour ne pas la perdre, il a tu ses origines et sa pauvreté. Je savais bien que nous marchions sur des chemins dallés de mensonges […]. Mais je me disais que c’était l’instant seul qui existait, c’était seulement ce goût du bonheur qu’il fallait lécher jusqu’à épuisement.

Le chagrin du fils est tout aussi immense et il le dit avec ses mots d’enfant dont la vie a basculé après ça, le drame qu’il n’arrive pas à nommer autrement et qui l’a privé de la protection de ses parents et de l’amour de sa petite sœur. Confronté à la violence de la rue, éperdu de solitude, il clame son désarroi dans le silence de son cœur :C’est pas bon d’aimer trop les gens, ça donne mal au ventre, quand ils sont loin, ça rend trop malheureux. […]

Portés par le souffle épique et la langue ciselée de Beyrouk, ces deux récits bouleversent et captivent, notamment parce qu’ils donnent à contempler un pays que l’on connaît peu. Et c’est sans doute dans la société mauritanienne d’aujourd’hui qu’il faut chercher la source de ces tragédies intimes. Une société inégalitaire, fracturée entre des habitants rivaux, ceux des sables et ceux des villes.

Sont-ils pour autant irréconciliables ? Peut-être pas, laisse entendre Beyrouk, s’ils prêtent attention aux djinns, ces génies souvent bienveillants, s’ils puisent en la force de l’amour et de l’amitié et, surtout, s’ils s’en remettent à la puissance sauvage du désert qui aurait le pouvoir de guérir les cœurs malmenés et les enfances brisées. »

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