LA DÉPÊCHE DU MIDI, Jean-Marc Le Scouarnec, jeudi 3 avril 2014


« Le combat d’une romancière »

« Le Marathon d’avril a accueilli l’une des plus grandes romancières vietnamienne contemporaine. Opposante farouche au régime de son pays, Duong Thu Huong vit à Paris depuis 2006, couvée avec affection par son éditrice Sabine Wespieser. Dans Les Collines d’eucalyptus, son 10e livre, l’auteur raconte le destin tourmenté de Thanh, un gars bien qui finit par croupir en prison après être tombé amoureux d’un être malafaisant.

Je ne suis pas intéressée par les bandits professionnels, les tueurs en série, les psychopathes, insiste Duong Thu Huong. Par contre, j’aime raconter la vie de gens très normaux qui sont poussés à devenir criminels par les pressions sociales, les conflits familiaux, des choses indicibles. Dans les bras d’un pervers, Thanh ne peut plus maîtriser ses pulsions, ses haines.

Le roman, foisonnant (près de 800 pages), n’est pas seulement l’histoire tragique d’un couple homosexuel. Tel une forêt épaisse où poussent tellement d’arbres différents, il raconte tout un pays marqué par la dictature, les privations, la misère. Ce que Duong Thu Huong a vécu dès l’enfance. […]

Cette attention à la nature, si rudement vécue, donne des pages magnifiques sur la brume qui enveloppe le paysage, la couleur et la saveur des anans ou des pamplemousses. Littérature sensuelle, qui parle si bien de l’enfance et de l’éveil des sens, l’œuvre de Duong Thu Huong reste une manière de combat. J’ai gardé une haine inconsolable contre un régime qui a fait disparaître toute ma jeunesse. Aujourd’hui, le Vietnam reste le petit frère de la Chine, continuant de développer le capitalisme sauvage en étouffant les aspirations à la liberté. Je continuerai la lutte jusqu’à mon dernier souffle. »