LA LIBRE BELGIQUE et WWW.LALIBRE.BR, Geneviève Simon, lundi 24 octobre 2016


« Comment vivre après avoir découvert que l’homme aimé est un chef de guerre sanguinaire »

« Venu se terrer sous un faux nom dans un recoin d’Irlande, un chef de guerre sanguinaire y est démasqué. La femme qui l’a aimé doit désormais porter un fardeau trop lourd pour elle. Comment (sur)vivre dès lors ?

Vladimir Dragan est arrivé à Cloonoila vêtu d’un long manteau noir et de gants blancs – la curiosité des habitants ne l’a pas empêché de s’installer dans cette petite bourgade tranquille de la campagne irlandaise. Il s’est présenté sous un faux nom comme médecin adepte des voies alternatives et a bientôt ouvert une clinique dispensant des soins holitiques suivant des disciplines orientales et occidentales. Rapidement, cet homme infiniment courtois mais mystérieux et incrustable a fasciné les uns, charmé les autres. Jusqu’à Fidelma, une femme ordinaire douloureusement en manque d’enfant. Éprise, elle pense qu’il fera d’elle la mère qu’elle rêve de devenir. L’arrestation de Dragan mettra brutalement fin à leur histoire.

Sur les écrans de télévision, la vérité éclate dans toute son horreur : le faux guérisseur y est appelé la « Bête de Bosnie ». Dragan (personnage librement inspiré de Radovan Karadzic) est inculpé de génocide, nettoyage ethnique, massacres, tortures, détention arbitraire, déplacement de population : il doit comparaître à La Haye. Pour Fidelma, le choc est inqualifiable. Anéantie par ce qu’elle doit endurer, elle décide de fuir. J’ai le sentiment que, ayant été avec lui, je suis complice de ces choses effroyables.

À Londres, elle trouve refuge auprès d’une communauté de destins brisés. La main tendue de Jasmeen, la tendre amitié de Misletoe, lui apportent un peu de réconfort. Mais ses plaies cicatrisent mal, la culpabilité et la honte la rongent.

Née dans l’ouest de l’Irlande en 1930, Edna O’Brien signe avec Les Petites Chaises rouges (pour commémorer la mémoire des victimes du siège de Sarajevo, 11 541 chaises rouges avaient été installées dans la ville martyre en 2012) une intense fresque humaine. Une victime collatérale de la guerre est ici saisie au plus près de son effondrement. La majesté de l’écriture est d’autant plus redoutable qu’elle fait s’alterner moments de douceur et barbarie, élans de communion et sidération, éclats de poésie et descriptions crues. Prise au piège de l’Histoire, une femme tente de se retrouver. Sa terrible trajectoire laisse sans voix. »