LA LIBRE BELGIQUE, Geneviève Simon, mercredi 3 novembre 2021


« D’une plume fluide, généreuse, captivante, empathique, Louis-Philippe Dalembert, qui figure parmi les quatre finalistes du Goncourt avec ce titre, dresse le portrait d’un homme, et à travers lui celui de toute une communauté. Pour mieux nous montrer qui était Emmett, l’écrivain et professeur a choisi de donner la parole aux témoins les plus proches de sa vie. Il y a l’institutrice qui ne cache pas l’affection particulière qu’elle avait pour ce garçon qui “avait un très bon potentiel, mais l’école ne semblait pas sa priorité”. L’amie qui l’a vu revenir “s’échouer dans la rue de son enfance, parce qu’il devait être lassé de vagabonder et n’avait surtout nulle part où aller”. Son coach qui l’a accueilli dans sa famille comme un fils, mais n’a in fine pas pu l’aider. Son ancienne fiancée qui n’a pas oublié les quatre années d’amour partagé et regrette que la société ait laissé peu de chances à leur couple. L’épicier qui a donné l’alerte et n’en finit pas de regretter que son appel ait entraîné pareille tragédie. À travers les témoignages de ceux qui ont côtoyé Emmett au quotidien se dessine une peinture politique des États-Unis et ce qu’y affrontent les Afro-Américains. Il est difficile de grandir en apprenant à détecter la suspicion dans le regard des autres. Mener une vie décente est un combat permanent, d’autant que le chômage et la faim laissent peu d’échappatoires face au piège de la drogue. Immense est le fossé qu’il faut franchir quand on est un jeune Noir élevé dans une famille monoparentale modeste et qu’on est “catapulté dans un univers de Blancs catholiques issus des classes moyennes aisées”. Sans oublier le poids déraisonnable qui pèse sur les couples mixtes. »