LA MATRICULE DES ANGES, Anthony Dufraisse, mai 2013


« Brûlure à Haïti »

« Parfois, certains explosent comme des bombes ; d’un coup ils cognent, tel celui de Guillaume à la vue de Nathalie dont le corps, comme une tombe, renferme d’indicibles secrets. Ces deux personnages évoluent à Haïti, le pays où Yanick Lahens est née en 1953, dans lequel elle vit toujours et pour lequel elle vibre sans retenue. Son nouveau livre s’inscrit dans un continuum avec Failles, le précédent, écrit dans l’urgence du séisme qui a concassé Port-au-Prince début 2010.
Déjà présents dans l’ultime chapitre de ce livre composé dans la sidération du désastre, Guillaume le sociologue et Nathalie l’architecte concrétisent ici une histoire d’amour qui, précisément, se noue à la vieille du tremblement de terre. Dans ce roman, il est ainsi question de cœur qui s’emballe et de corps qui s’embrasent, de séduction et de déduction. Yanick Lahens montre bien comment le désir se déduit des attitudes, se devine dans les postures, les regards, les résistances.
Comment ces deux êtres s’attirent l’un l’autre, comment ils se cherchent, se repoussent, s’épient. Les pages qu’elle consacre à la première dérive de deux corps sont d’une rare sensualité. Elle dit la curiosité, la voracité, l’étreinte renouvelée au cœur d’une île de tous les dangers, de toutes les beautés, de toutes les passions, de toutes les interrogations, de toutes les douleurs. Cette relation amoureuse, l’auteure la donne pour ce qu’elle est à ce moment-là, brute et brûlante. Port-au-Prince et ses environs sont le théâtre d’un jeu du viril et du féminin sur fond de questionnement identitaire, de blessures intimes et de secrets enfouis. Comme si cette secousse amoureuse et ses répliques étaient annonciatrices d’un autrement plus terrible grondement. Celui, fracassant, de la terre qui remplaça le goût de l’amour par le dégoût du sang. »