LA PRESSE (Québec), Laila Maalouf, samedi 23 avril 2022


Un homme dont on ignore le nom vit reclus dans son appartement de Paris. Voilà des années qu’il n’a pas mis le pied dehors, depuis que la seule femme qu’il a aimée l’a quitté. Lorsqu’il apprend la mort de celle-ci, il est incapable de se rendre à son enterrement ; le lendemain, il sort et jette les clés de son domicile.

La réalisation d’être désormais sans abri le libère de toutes ses angoisses et il passe alors un contrat avec la rue : il promet d’y rester si elle lui permet de se vider de ses souvenirs.

La facilité et la liberté des premiers jours s’éteignent rapidement ; malgré tout, un nouveau quotidien s’installe au fil de ses errances dans la ville. Chaque jour devient synonyme d’une rue et d’une rencontre hebdomadaire avec des femmes qui y travaillent ou y habitent, invisibles pour la société, mais pour qui il éprouve une sympathie silencieuse. Puis l’une d’entre elles réveille brusquement ce qui était enfoui. La rue du Liban qu’il évitait lors de ses marches revient soudain à sa mémoire, exhalant les effluves du passé : la crème de sa mère, le jasmin et la poudre de canon. Contre toute attente, ses plaies encore béantes nous ramènent au conflit qui a brisé des milliers d’âmes dans le pays natal de l’autrice (lauréate du prix France-Liban en 2020 pour son premier roman, Mauvaises herbes). C’est ainsi qu’une histoire insoupçonnée, à la fois cruelle et déchirante, se dévoile de manière singulière, d’une métaphore à l’autre, et révèle une écriture d’une grande beauté qui redonne vie à tous ces oubliés traînant leurs blessures dans l’anonymat des grandes villes.

Lire l’article en ligne