LA VIE, propos recueillis par Marie Chaudey, jeudi 13 février 2014


« Frères et sœurs, le lien mouvant »

« Ils sont les piliers d’un temple secret : Saul le frère aîné, Hélène la cadette au caractère indépendant, Élias et Réna, les jumeaux fragiles. Liés par le souvenir d’une enfance soudée, ils se retrouvent, adultes, dans leur maison de famille, qui va être vendue après la mort du père : meurtris et en proie au doute quant à leur héritage, autant matériel qu’affectif. La vie les a séparés et cognés, leurs routes se sont éloignées et croisées. Quel rôle chacun tiendra-t-il désormais ? Celui auquel il était assigné ? Ou celui qu’il va réinventer ? Les silences en disent aussi long que les mots, complices ou perfides. Un grave accident a eu lieu autrefois, Réna en est restée handicapée. Un secret plane, qui plombe les échanges. Piques assassines et jouissives cruautés…

Le récit se divise, pour nous faire entendre la petite musique de chacun des quatre protagonistes, les deux frères et les deux sœurs. Avec une grande justesse, la romancière Kéthévane Davrichewy sonde l’intimité familiale, les ambiguïtés du lien fraternel, les jalousies et les affinités. Kéthévane Davrichewy a grandi à Paris avec une sœur cadette, une seule, mais a été entourée durant toute sn enfance par une flopée de cousins et cousines, d’oncles, de tantes et d’aïeux – une tribu issue de l’exil, aussi chaleureuse qu’étouffante. Peut-on se séparer sans se perdre ? Bousculer les rôles sans faire de dégâts ? S’aimer sans se posséder ? La romancière soulève une tempête de questions, que son roman égraine et incarne par touches délicates. »

Votre titre, Quatre murs, évoque-t-il d’abord la maison ou les êtres ?
Au départ, je souhaitais plutôt faire référence à la maison, à son effondrement. Et puis, c’est devenu les quatre frères et sœurs dans leur impossibilité à communiquer et à se tenir ensemble. Un psychiatre a affirmé que le métier de parents était d’empêcher ses enfants de s’entretuer ou de fusionner… Le lien fraternel est sans arrêt en mouvement. On ne peut vivre qu’en acceptant ses houles et courants contradictoires. Saul, le frère aîné, cherche à reconstituer dans son île grecque une version nouvelle de la maison de famille. Comme je suis une mélancolique plutôt optimiste, la fin de mon roman n’est pas fermée. Nous pouvons parfois être submergés par l’impression que la vie est faite de pertes successives, par la sensation que l’amour se dérobe continuellement, faisant de nous des êtres qui marchent sur des sables mouvants. Pourtant, il reste toujours des éclats du noyau dur de la transmission, quelque chose de commun qui nous tient, un élan qui nous porte. »
(extrait de l’entretien avec Marie Chaudey)