LE FIGARO LITTÉRAIRE, Alice Ferney, jeudi 23 janvier 2014


« Allons enfants de la fratrie ! »

« Quatre murs est un livre discrètement magnifique ! Un beau texte, qui s’empare de vous peu à peu, l’air de rien vous émeut, et vous baigne, comme une mer, dans la houle des questions qu’il soulève.

Le titre est à triple sens : quatre murs, ce sont ceux d’une maison bien sûr, mais ce sont aussi les quatre personnages eux-mêmes, soudain incapables de se parler, ou les murs entre eux dressés par les événements non cicatrisés de leurs vies, un accident, un cadeau mal reçu, un conjoint mal accueilli, une souffrance mal accompagnée. […]

La maison a été vendue. C’est la fin d’un temps, d’un lieu et d’une chance de revenir ensemble dans les empreintes de l’enfance et de l’ancienne intimité. Toute fin porte en elle une menace d’anéantissement, celle-ci inaugure pour les adultes éparpillés un retour sur eux-mêmes. Le temps fracasse les noyaux, la famille est un enchaînement de décentrages autour des nouveaux parents et des nouveaux enfants, la vie peut se déliter autour des morts. Tout cela nous sera montré à travers trois récits séparés : un monologue de Saul, une vision de la trajectoire d’Hélène, une conversation des jumeaux. […]

Après le roman des origines et celui de l’amitié perdue, Kéthévane Davrichewy écrit le roman de la fratrie. Elle dit ce lieu du côtoiement, charnel et quotidien. Elle ausculte son devenir et son défi : se séparer sans se perdre, être parents alors que la fratrie refait constamment de nous des enfants. Elle dit le doute : ces liens sont-ils incassables ou fragiles, féconds ou nocifs ? Elle dit les ordres, et les rôles, les affinités et les exclusivités, la jalousie éternelle. Elle dit la voracité, le désir qu’on a de posséder les autres, pour qu’ils nous aiment et nous choient.

Et le plus fort, c’est qu’elle le fait dire à ses personnages, dans des dialogues où même lorsqu’ils disent le contraire de ce qu’ils pensent, mentant, se mentant à eux-mêmes, omettant, ça sonne, et ça sonne juste. »