LE FIGARO LITTÉRAIRE, Étienne de Montety, jeudi 7 mars 2019


« La nuit de novembre »

« Ce furent de ces jours qui ébranlèrent le monde. Le 9 novembre 1989, le mur de Berlin tombait. […] Cet événement, les historiens l’ont raconté en analysant ses causes politiques, économiques, internationales. C’est en romancière que Christine de Mazières l’aborde. Elle ne choisit pas de travailler en vue panoramique mais par fragments : autant d’éclats analogues à ces morceaux de mur que les acteurs de la nuit de novembre ont arrachés et conservés comme des reliques : les pierres de rosette de la liberté. […]

L’auteur nous guide dans la ville avec dextérité. […] Autant que l’histoire, la géographie, l’architecture intime de la ville jouent leur rôle dans ce roman de mots et d’images.

Mais l’important ici, ce sont les personnages : ils existent d’abord par leurs voix. Celles, réglementaires et paniquées, des autorités est-allemandes, celles des jeunes Allemands portant un immense espoir. Celle gouailleuse de Josiah, et enfin, blanche et innocente, celle de Niklas – le personnage le plus mystérieux et peut-être la clé de ce beau roman plein d’humanité.

Au fil des pages, l’intrigue se noue. Les voix se rapprochent pour former non pas un chœur, mais une symphonie. Les liens de Micha avec Anna s’éclaircissent. Comme ceux qui le lient aux fonctionnaires chargés de leur surveillance. S’insèrent l’amitié, l’amour, les ruptures – on n’ose trop en dire, de peur d’altérer la note fragile sur laquelle ce roman repose.

Du bloc apparemment monolithique de la RDA se détachent des visages, des caractères et de histoires. Ils sont réfractaires ou apparatchicks, mais n’en déplaise à la doxa marxiste, ce sont leurs destins individuels, leurs passions, leur audace, leurs lâchetés qui vont faire l’histoire – et donner à Christine de Mazières, la matière d’un magnifique roman. »