LE JOURNAL DU DIMANCHE, Laëtitia Favro, dimanche 15 février 2015


« Les désirs »

« […] Sous la patine classique du roman de mœurs (difficile de ne pas penser à Flaubert), Amours conjugue au présent les diverses formes de violences faites aux femmes, du moyenâgeux droit de cuissage à l’interdiction du plaisir pour le corps féminin. Si le récit est ancré dans un village de province à l’aube du XXe siècle, ses deux héroïnes témoignent d’une même voix, et ce, en dépit de leur différence de statut social, de problématiques loin d’être disparues dans nos sociétés contemporaines où plaisir rime tantôt avec injonction, tantôt avec interdiction. La parfaite maîtrise du huis clos renforce page après page une sensation d’étouffement qui, en dépit d’apparentes libérations (les corsets brûlés dans le jardin), fait se fissurer l’édifice bourgeois jusqu’au drame final.

Les craquements sinistres du délitement n’altèrent pourtant à aucun moment la fluidité du propos : comme dans les ensembles symphoniques, les mots trouvent d’eux-mêmes leur place sur la partition. »