LE MONDE DES LIVRES, Zoé Courtois, vendredi 30 août 2019


« Perdues en mer »

« Trois femmes voyagent. Dima sur le pont, Chochana et Semhar à fond de cale. Qu’elles croient en Yahvé, Allah ou Dieu, qu’elles y soient contraintes par la guerre ou le réchauffement climatique, toutes trois ont choisi l’exil vers l’Europe et subissent à présent dans leur chair la violence de l’industrie migratoire, tellement féroce envers les femmes. Inspiré par le sauvetage en mer de dizaines de réfugiés par le tanker danois Torm Lotte durant l’été 2014, Louis-Philippe Dalembert livre ici un roman chargé de symboles, à la dimension épique et souvent tenté par l’allégorie, mais aussi très réaliste, notamment grâce à sa description des clivages sociaux et de leur incidence sur les conditions de l’exil de son trio féminin. L’audace du roman ne réside pourtant pas dans cette tension tenue d’un bout à l’autre, mais dans l’implacable cruauté avec laquelle l’auteur abandonne brusquement et définitivement des personnages qu’il s’était pourtant ingénié à rendre attachants. C’est ainsi du « voyage », qui fait disparaître sans un mot tant d’hommes et de femmes, et dont Louis-Philippe Dalembert offre ici un tableau fort juste. »