LE NOUVELLISTE, Jean-François Albelda, vendredi 9 septembre 2022


Sarah Jollien-Fardel lauréate du prix du roman Fnac

Après sa sélection pour le prix Goncourt, l’auteure valaisanne devient la seule Suissesse à recevoir ce prix très convoité pour son roman « Sa préférée », décerné par 400 lecteurs adhérents et 400 libraires de la Fnac.
A mesure que défilent les jours depuis la sortie en librairie de « Sa préférée » le 25 août dernier, le sentiment d’irréalité qui habite Sarah Jollien-Fardel se fait de plus en plus grand. Il était déjà considérable avant ça, quand ce premier roman paru aux éditions Sabine Wespieser trouvait son chemin jusqu’aux colonnes des grands journaux français alors qu’il n’était pas encore placé dans les rayonnages. Cette semaine, l’auteure valaisanne apprenait sa sélection pour le prix Goncourt, parmi les quinze titres retenus – ce qui ne fut pas le cas de « Cher connard » de Virginie Despentes, qui est pourtant le plus grand succès de la rentrée littéraire. Et ce jeudi, elle devient la première personnalité de la littérature suisse à avoir reçu le prix du roman Fnac, une récompense convoitée, qui offre une mise en lumière immense à ses lauréats.

Un prix parmi les plus importants
« Ce qui est fantastique, c’est que c’est un prix attribué par 400 lecteurs et 400 libraires de la Fnac. Cela donne à l’auteur et à l’éditeur l’indication que l’ouvrage peut plaire à beaucoup de monde. Et, en corollaire, ce prix représente une immense mise en avant commerciale pour le livre, avec plus de 800 points de vente qui tous vont promouvoir « Sa préférée » dès aujourd’hui. Oui, j’ai de la peine à réaliser », souffle Sarah Jollien-Fardel.
Pour situer l’ampleur de l’événement, le prix du roman Fnac figure parmi les cinq prix littéraires les plus importants. Le prix Goncourt est le premier avec ses quelque 319 000 ventes en moyenne par livre primé, puis viennent le prix Renaudot (194 000), le prix Goncourt des lycéens – où « Sa préférée » figure d’office parmi les ouvrages papables du fait de sa sélection au prix Goncourt – (130 000), le prix Femina (121 000) et puis le prix du roman Fnac (96 000). Ce prix implique donc un bestseller assuré? « On s’attend à de bons chiffres, oui, mais je ne me risque pas à faire des pronostics », sourit l’écrivaine. « Ce qui est sûr, c’est que je ne vais rien changer à ma vie, ou alors le moins possible, et continuer à écrire très tôt le matin, comme je l’ai fait pour ce premier roman. J’aménage juste mon emploi du temps et je garde mon emploi de rédactrice en chef d’« Aimer lire », que j’adore. Je sais combien les choses sont volatiles. »

De l’émotion en retour
Ce qui est d’ores et déjà certain, c’est que « Sa préférée » a déjà marqué celles et ceux qui l’ont lu. Au Livre sur les quais à Morges, Sarah Jollien-Fardel a pu mesurer l’impact de son écriture sur le public. « J’ai vécu des émotions d’une intensité inédite. Beaucoup de gens sont venus me voir et certains ont partagé des témoignages d’une force incroyable. J’ai pleuré avec ces personnes qui me racontaient leur histoire. » Elle cite un monsieur d’une septantaine d’années, très distingué, qui a enfin pu, après 52 ans de mariage, raconter à son épouse la violence vécue enfant, après avoir lu le livre. « On ne s’attendait pas du tout à ça, mais on a eu beaucoup de retours de ce type, de la part de lecteurs masculins. Il faut que la parole se libère, c’est bien, et c’est sans doute encore plus difficile pour les hommes de partager ces expériences. »
Un témoignage parmi beaucoup d’autres, qui montrent bien que cette violence trop ordinaire décrite dans « Sa préférée », qui diffuse ses poisons dans l’intimité des foyers, n’est propre ni à un territoire, ni à une génération, ni à une classe sociale. « J’écris souvent dans mes dédicaces: «c’est une histoire valaisanne, et donc c’est une histoire universelle». Les choses ont du sens quand elles sont ancrées et c’est là où elles peuvent résonner ailleurs. »

Et la suite ?
Les prochaines semaines seront donc pour Sarah Jollien-Fardel une sorte de grande lessiveuse promotionnelle, entre interviews, dédicaces, rencontres, dans toute la francophonie. Et la saison des prix littéraires ne fait que commencer. « Je prends les choses une après l’autre, comme elles viennent, et j’essaie d’être présente mentalement dans chaque moment, dans chaque rencontre. C’est tout ce que je sais », rit l’écrivaine. Qui planche déjà sur la suite à donner à « Sa préférée » ?
« J’ai un nouveau roman en tête. Pour l’heure, c’est le seul endroit où il existe », répond Sarah Jollien-Fardel. Et cette fois-ci, quand il sera rédigé, la question de la maison d’édition ne sera pas un problème. « Travailler avec Sabine Wespieser est un rêve. Elle n’édite que dix livres par année et défend ses auteurs avec passion. Ce sera un bonheur de collaborer à nouveau avec elle! » En effet, on ne change pas une équipe qui gagne des prix.