LE POINT AFRIQUE, Valérie Marin La Meslée, vendredi 11 mai 2018


« Marc Alexandre Oho Bambe, passeur de poésie »

« Ce capitaine poète-slameur,jamais descendu de la lune poésie, débarque sur la planète romanesque en beauté avec Diên Biên Phù, paru chez Sabine Wespieser éditeur. Le narrateur, journaliste français dans un journal de gauche, quitte femme et enfants pour retourner vingt ans après en Indochine où il a combattu. Il part avec au cœur cet indestructible amour pour la jeune Vietnamienne Maï Lan rencontrée pendant la guerre, et le fol espoir de la retrouver. Ce livre de mémoire, de futur en forme de “chant des possibles”, fait retour sur une amitié aussi, celle du soldat Alexandre, sauvé par son camarade d’une autre race, le Sénégalais Alassane Diop, venu d’un autre pan de l’histoire coloniale française.
On sent ici toute l’admiration de l’auteur pour celui auquel il doit son nom de scène “Capitaine Alexandre”, le nom de résistance du poète, René Char, qui lui a “tiré des larmes” à 16 ans, raconte-t-il. “Hâte-toi de transmettre ta part de merveilleux de rébellion de bienfaisance.” Ces “phrases étincelles” comme il les nomme ont fait du jeune homme d’alors ce qu’il est devenu. Jusqu’à cette nouvelle forme littéraire : “C’est un roman que je portais en moi depuis longtemps, j’avais envie d’écrire une histoire d’amour au long cours. Mais aussi l’envie de questionner un fait de la colonisation qui m’a toujours interpellé, le fait que certains colonisés allaient en combattre d’autres. Je n’avais pas lu de texte qui me parle de ce fait, on écrit souvent à partir d’un manque.” Tombé amoureux du Vietnam, il donne comme décor à son histoire la guerre d’Indochine, un déplacement fructueux par rapport à l’histoire coloniale de son pays natal. Outre sa puissance à nous émouvoir, ce point de vue décalé et la manière dont l’auteur conduit l’intrigue, avec un sens des dialogues remarquable, donnent à ce roman, imbibé de poésie, sa profonde originalité.
Marc Alexandre Oho Bambe, né en 1976 à Douala, au Cameroun, arrivé en France à l’âge de 17 ans, et installé à Lille, où il a créé le collectif “On a slamé sur la Lune”, n’en est pas à sa première publication. Il s’autoédita pour mettre sur la page son panthéon noir dans ADN. Puis trouva à la Cheminante l’accueil de l’éditrice Sylvie Darreau pourLe Chant des possibles,ainsi que pour son manifeste Résidents de la République(2016), et tout récemment Ci-gît mon cœur. De l’autre côté de l’Atlantique, son passage par Port-au-Prince, capitale d’Haïti, lui inspira De terre, de mer, d’amour et de feu,publié aux éditions Mémoire d’encrier. Aujourd’hui, ce premier roman marque un beau cap franchi vers un plus vaste public littéraire, même si pour le passeur de poésie, tous les genres se touchent et se résument en une phrase : “Je suis vivant.” Dans notre causerie, Marc Alexandre Oho Bambe raconte son éducation camerounaise, ses influences, dont celle, majeure, d’Édouard Glissant et d’Aimé Césaire, et les chemins de sa création sous le signe des utopies nécessaires, à suivre sur scène au long de sa tournée poétique 2018. »