LE SOIR, Pierre Maury, samedi 9 juillet 2022


Gustav Mahler dans ses derniers temps.
Le romancier autrichien Robert Seethaler interprète la biographie du musicien dans Le Dernier Mouvement.

« Ils t’ont dit que j’allais mourir ? » Gustav Mahler pose la question au garçon qui s’occupe de lui sur le bateau qui le ramène en Europe.
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C’est ainsi que Robert Seethaler montre le musicien dans Le Dernier Mouvement, roman proche des faits mais qui en donne une interprétation intime. Nous sommes dans la tête de Mahler, sur le pont du navire et dans les semaines qui suivent, accompagnant ses pensées où se mêlent les souvenirs glorieux, les moments d’intense créativité et les épisodes dramatiques parmi lesquels la mort de sa fille Maria n’est pas le moindre. Toute la sensibilité d’un artiste s’exprime ainsi, avec ses contradictions et l’exaspération devant la vie qu’il sent s’échapper.
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Il n’est pas nécessaire de connaître la vie de Mahler ni même de goûter ses compositions pour rencontrer ici, avec un minimum d’informations factuelles – mais les plus pertinentes –, un homme en proie au doute après avoir été une figure majeure de son temps. Que valent les succès face à la fragilité de l’existence ? La question court, souterraine, à travers la lecture.
À l’interrogation de Mahler que nous citons au début, le garçon avait répondu non –  « et Mahler vit qu’il mentait », ajoute le romancier omniscient et lui aussi hypersensible. Jusqu’à nous faire retrouver le jeune interlocuteur du musicien après la mort de celui-ci, dans une scène superbe d’émotion contenue. Le ton sur lequel, au fond, Le Dernier Mouvement se déroule tout entier.