L’EXPRESS, Éric Libiot, mercredi 30 août 2017


« Éclaircies en fin de journée »

« Comment les lieux façonnent-ils une existence ? Climats de France, roman éclairé et limpide, raconte les racines d’une Histoire toujours en mouvement.

Ouf. Pas de style faussement parlé, pas d’emploi intempestif du « je », pas d’histoire de bitume déglingué, pas de nombril écorché à soigner d’urgence. Climats de France, de Marie Richeux, animatrice sur France Culture, est un roman qui écoute les mémoires. Les mémoires des corps et des lieux. En une soixantaine de chapitres, qui brassent des personnages en des espaces et des lieux différents, la romancière dessine la façon dont les sentiments viennent s’agréger aux souvenirs et comment chacun avance son chemin avec ses images plein les poches.

Marie, qu’on peut imaginer double de l’écrivain, mais pas forcément, la trentaine, découvre à Alger la résidence Climat de France, semblable à celle où elle a grandi à Meudon-la-Forêt, dans la banlieue parisienne. D’un côté de la Méditerranée à l’autre, d’une époque à l’autre, Marie Richeux tisse lentement les liens de cette mémoire collective qui s’effiloche. Elle écrit dans un style limpide et au présent, ce qui inscrit chaque moment, chaque ville, chaque personnage, dans un imaginaire commun.

Le lecteur attentif aura sans doute remarqué le singulier du nom du bâtiment, Climat de France, héros muet du roman, et le pluriel du titre qui lui fait écho quasi à l’identique. Ce « s » facétieux qui s’est accroché en couverture éclaire le texte d’un autre sens. Métaphorique et météorologique. La France mêle des identités et des climats singuliers : temps orageux, métissage, vent doux, déménagements, exils, soleil brûlant, larmes de pluie quand les morts se font proches. Page 171 : extrait d’un texte de Germaine Timmion paru en 1960 dans Les Ennemis complémentaires : Qu’est-ce qu’un Français ? Et quels sont les critères qui permettent de le définir ? […] Je propose donc une définition pratique (mais qui exige que l’on consulte les gens) : un Français, c’est quelqu’un qui se considère comme français.

L’ethnologue et résistante fait bien sûr référence aux « événements » d’Algérie d’alors. C’est la toile de fond qu’utilise Marie Richeux pour raconter les mouvements de l’Histoire, la marche des hommes et la pérennité des lieux. Jusqu’où le bâtiment, se demande-t-elle, conditionne la forme de l’existence ? La pierre comme racine commune. L’idée est belle. »