LIBÉRATION, Elisabeth Franck-Dumas, samedi 27 juin 2020


« Les objets de son affection »

« La photographe Françoise Huguier présente au musée du Quai-Branly, une sélection d’objets qu’elle a rapportés de ses voyages. Plus que des raretés qu’elle remise chez elle par centaines, ce sont les témoignages d’une curiosité tenace pour les endroits et les histoires qu’elle a traversés. […]

Dès le 30 juin, ces souvenirs seront visibles au Quai-Branly à Paris dans l’exposition « Françoise Huguier : les curiosités du monde », arrangés grâce à l’aide de son vieux complice Gérard Lefort, gloire équivalente à Libé, dans des vitrines qui ne se prennent pas trop au sérieux, avec des noms comme « chaud », « froid », « cuisine » ou « reliques ». Enfin, « un millionième des objets que Françoise a« , pour citer Lefort, car ici ça déborde de tous les côtés.
Ça faisait longtemps que j’avais envie de les exposer, mais tout le monde me disait « non, toi tu es photographe ». Mais Stéphane Martin [le précédent président du musée du Quai-Branly, ndlr] m’a dit que c’était une très bonne idée. Il a compris, lui. […]

« La curieuse », comme la surnomme Gérard Lefort, est née en France en 1942. A 3 ans, elle embarque pour Saïgon avec sa famille ; son père est directeur de plantation, ce sont les débuts de la guerre d’Indochine. La fillette est aussitôt mise en pension à Dalat, qu’elle rejoint chaque début d’année scolaire en convoi militaire. Dans son « autoportrait d’une photographe », Au doigt et à l’œil (1), elle raconte comment elle et son frère ont été kidnappés par le Viet-minh au Cambodge et endoctrinés huit mois durant dans la jungle, se recouvrant peu à peu de toutes sortes de furoncles et mycoses. Lorsque arrive sa libération, Françoise Huguier refusera d’abord de partir, car « tout plutôt que retourner en pension ». La fillette quitte l’Indochine en 1953 et, de retour en France, elle jette des sorts aux poupées de ses camarades, renâcle à se rendre à la messe, sèche les cours, bref l’expression « au doigt et à l’œil » ne fait aucunement référence à une enfance d’écolière obéissante.»

(1) Sabine Wespieser éditeur