LIBRAIRIE CALLIGRAMMES, Sens, jeudi 11 février 2016


« Fantômes dans le désert »

« Un couple, un voyage dans le désert, le fantôme d’un écrivain disparu durant la révolution mexicaine, un autre fantôme, celui d’un fils… Difficile de résister au charme envoûtant de ce roman écrasé de chaleur…

À un moment donné, la voiture dans laquelle Dale et Hoa, son épouse, traversent le désert de Chihuahua, tombe en panne. C’est peut-être là, sous cette chaleur et ce soleil écrasants, dans cet environnement désolé et qui se révèle hostile, que tout se noue, ou se dénoue, entre eux, là peut-être que le second roman de Forrest Gander annonce enfin sa vraie nature : une quête plus qu’un road-movie, une tragédie plus qu’un western. Mais ce n’est pas si simple, c’est d’ailleurs ce qui est très beau dans ce livre lyrique, où la description d’un décor omniprésent prend des accents poétiques, où les deux protagonistes centraux n’en finissent pas de dévoiler de nouvelles facettes d’eux-mêmes et de leurs rapports dans une écriture souveraine. Car Forrest Gander n’est pas seulement un conteur, c’est aussi un styliste, et on s’en rend compte à chaque page de cette Trace que l’on suit sans hésiter, tout comme Dale et Hoa suivent celle de deux fantômes qui n’en finissent pas de hanter le roman. Le premier, c’est celui d’Ambrose Bierce, écrivain et journaliste mort mystérieusement dans le désert alors qu’il couvrait la révolution mexicaine, en 1913, et qui doit être le sujet du prochain livre de Dale. Le second, c’est le fils du couple dont la vie s’est fracassée sur la folie. Durant le quasi huis-clos de leur voyage dans une nature grandiose et inquiétante, peuplée de narcotrafiquants mexicains, Dale et Hoa se heurtent, se perdent, se retrouvent, se soutiennent, se confrontent à la mort, à la vie, aux espoirs de l’avenir et aux traces du passé. Magnifique. »