LIRE, Alexandre Fillon, septembre 2014


« Papa fantôme »

« Par le regard d’une petite fille sur son père, la romancière brosse le portrait d’un séducteur aussi imprévisible qu’attachant.

Imaginez la mythique U.S. Route 1. Celle qui mène à l’extrémité du pays. Une Buick Wildcat turquoise y roule à bon train. Direction Key West, les mers du Sud. À bord, on trouve un père et ses trois filles. La narratrice, Erina, est âgée de neuf ans. […] Les parents sont divorcés. Le père vit désormais à New-York. Pour le 31 décembre de l’année 1968, il a décidé de les emmener vers cet océan qu’elles n’ont jamais vu. Montréal-Key West, trois mille trente miles en trois jours à un rythme effréné. Rien d’impossible pour un papa qui prétend avoir été pirate, comme celui de Fifi Brindacier. […]

La fillette, on la retouve deux ans plus tard à Las Vegas, cette fois sans ses cadettes. Le Sahara Casino and Resort lui fait penser à la caverne d’Ali Baba. Papa a toujours des gestes calculés et dramatiques. Mordu de craps, il joue aux dés. Les lance de façon flamboyante, vêtu de son costume noir et de sa chemise blanche. En attendant de ganer le gros lot, il commande des cognacs aux serveuses, distribue les clins d’œil. Impossible de le rater avec son bagout, ses deux paquets de cigarettes – un Dunhill et un Pall Mall –, pour ne pas, dit-il, s’encrasser dans la routine, son faux air d’Omar Sharif dans Docteur Jivago. […]

En 2013, enfin Erina est une adulte qui a perdu neuf mois plus tôt son géniteur. Or, sous la neige, le revoici sous la forme d’un vieillard au corps maigre, abîmé. L’heure est peut-être vraiment venue de faire la paix avec ses démons. Avec Vassili Papadopoulos. L’émigrant qui a quitté Rhodes et a débarqué à Alger en 1939…

Le nouveau livre de Catherine Mavrikakis est un puzzle, une quête. Les souvenirs et les questions s’y mélangent, avec la même émotion, la même force. L’auteur du Ciel de Bay City harponne le lecteur et l’entraîne dans un voyage dont il ressort étourdi. »