LIRE et WWW.LEXPRESS.FR, Christine Ferniot, octobre 2016


« Amour des feintes »

« Mensonges, sentiments éperdus et culpabilité hantent le récit poignant d’une paria.

En 2013, l’Irlandaise Edna O’Brien publiait Fille de la campagne, des mémoires dépourvus de toute nostalgie, le récit d’une vie tourmentée autant que passionnelle, peuplée de fantômes mais aussi de belles amitiés et de tourbillons amoureux dans un Swinging London qui savait s’amuser. Elle, la révoltée, la courageuse, rappelait que, dans les années 1960, elle fut traitée de sorcière par des compatriotes qui ne supportaient pas sa liberté de ton. Parler de sexualité à de jeunes Irlandaises qui, comme elle, voulaient fuir ce pays médiéval était très mal vu. On croyait alors que cette autobiographie était la ponctuation d’une belle carrière d’écrivain. Or, à 86 ans, Edn O’Brien n’en a pas fini avec le roman et elle le prouve magnifiquement dans ces Petites Chaises rouges, une histoire de mensonge, d’exclusion et de tourments infinis.

[…] Edna O’Brien ne se contente pas de narrer cette histoire tragique, voire effrayante. Elle veut accompagner la détresse de Fidelma, sa fuite vers Londres, sa vie de paria, car c’est le personnage dupé, exclu et ravagé par la culpabilité, qui intéresse la romancière. Fidelma est la victime d’une passion impossible qui bravait les interdits. Elle va en subir les conséquences et payer pour l’amour d’un monstre qui savait caresser son corps. On retrouve les obsessions littéraires de cette grande écrivaine des laissés-pour-compte, des amoureuses insatiables et aveuglées qui choquent le paysan borné et le bourgeois radical. En passant d’un point de vue à l’autre, elle pointe du doigt le désir et la honte, la beauté d’un paysage et les bas-fonds de la capitale. Fidelma est une grande héroïne à la russe, sauvage et naïve, mais capable de se relever pour reconstruire une vie en miettes. »