LIVRES HEBDO, Kerenn Elkaïm, juillet 2021


« Je ne peux pas respirer ! Je ne peux pas ! Je ne peux pas… Ces mots désespérés n’ont pas pu sauver George Floyd, cet homme mort étouffé par un policier qui l’a écrasé sans broncher. Un smartphone a filmé l’insupportable scène, le 25 mai 2020, à Minneapolis. Breaking news : les médias et les réseaux sociaux du monde entier se sont relayés pour diffuser l’info virale, si symbolique d’une spirale infernale. Elle provoque un raz-de-marée d’indignation sans précédent, parce que la victime est noire et le bourreau blanc. Ce n’est pas la première fois qu’un tel événement se produit, mais c’est celle de trop. Après son roman sur les migrants (Mur Méditerranée) Louis-Philippe Dalembert s’inspire de cette réalité en train de s’écrire. Le poids de l’Histoire et du racisme prend soudain le visage de Floyd, une grande carcasse. À l’image de l’albatros, du poète, ses ailes de géant. Dans ce livre choral, humaniste et politique, il s’appelle Emmett en hommage à Emmett Till, un adolescent noir massacré par des racistes blancs en 1955. Ce prénom, guère anodin, signifie vérité en hébreu. C’est celle-ci que l’écrivain tente d’approcher en composant le portrait émouvant de George Floyd, alias Emmett. Il donne la parole à tous ceux qui l’ont rencontré ou aimé. Se dessine alors en creux le destin d’un homme, profondément ancré dans l’Amérique et ses inégalités sociales ou raciales. Les lieux déteignent parfois sur les gens qui les habitent. Ici, ils sont carrément déterminants… Élevé par une mère célibataire, Emmett était promis à un bel avenir de footballeur. Il espérait échapper à sa condition par peur de finir à l’usine, d’être obligé de cumuler des boulots de chiottes pour arriver à joindre les deux bouts. Mais l’oncle Sam ne fait pas de cadeau et souffre d’une violence systématique qui [le] gangrène. Emmett n’était pas parfait, mais il en est la énième preuve. Son assassin a été condamné par la justice, mais Dalembert va encore plus loin en espérant qu’il restera une étoile dans les ténèbres de la haine, un signal d’espoir, de fraternité. Après les mots, il faudra des actes forts pour favoriser ce vivre-ensemble et améliorer le sort de tout une communauté. »

Lire le pdf