L’OBS, Grégoire Leménager, jeudi 28 octobre 2021


« Il y a encore des écrivains pour croire que le roman peut aider à comprendre, mieux que bien des journaux télévisés, ce qui déraille salement dans nos sociétés. Louis-Philippe Dalembert y croit. Le meurtre de George Floyd, plaqué au sol par des policiers blancs à Minneapolis le 25 mai 2020, lui a inspiré la terrible histoire d’Emmett, un Américain noir tué à Milwaukee “sous le genou malfaisant d’un flic. Asphyxié, comme on trucide un goret, sous l’œil impassible de ses acolytes”. L’auteur haïtien de Noires blessures connaît le secteur pour avoir enseigné à l’université Wisconsin-Milwaukee. ll sait aussi le poids du racisme, qui contraint à vivre en “rasant les murs”. Son roman est là pour décrire et dénoncer “la violence systématique qui gangrène ce pays”. Mais s’il a autant de souffle, c’est parce qu’il a l’intelligence de répondre à tous les identitaires bas du front en donnant la parole à toutes sortes de personnages : femmes, hommes, Noirs, Blancs, jeunes, vieux, rasta juif, pasteure fidèle au combat pour les droits civiques, et même flic coupable du crime. Comment disait Térence, déjà ? Ah oui : “Rien de ce qui est humain ne m’est étranger.” »