NOUVELLE VIE MAGAZINE, Véronique Heurtin, décembre 2015


« Un livre riche et bouleversant »

« Année 1933. Andreas Egger, suite à une intuition, se rend chez Jean des Cornes et le trouve agonisant sur sa paillasse. Sur le chemin, en descendant le mourant au village, les deux hommes ont une discussion sur la mort, la disparition totale de toute vie, l’inexistence d’une autre vie au paradis. C’est effrayant pour les deux hommes, insupportable pour le moribond qui, pour ne pas subir ce funeste sort, se sauve et disparaît dans les montagnes. Andreas va requinquer son âme mortellement effrayée à l’auberge du village. Il y rencontre la serveuse, Marie. Un regard, un sourire ; Andreas sent confusément un sentiment inconnu l’envahir. Il désire profondément cette jeune fille et l’épouse. Pour pourvoir à leurs besoins, il se fait embaucher comme ouvrier dans un chantier de construction du premier téléphérique. Le progrès, qui apporte la lumière même la nuit chez les habitants de la vallée, modifie le paysage et l’équilibre de la nature, favorise les accidents. Une avalanche va recouvrir la maison du couple, tuer Marie et, avec elle, son rêve de bonheur. Les mois passent. La vie continue. 1942, la guerre arrive…

Que de raisons d’aimer ce livre ! Le personnage d’Andreas en est une. C’est un homme ordinaire qui, après les malheurs de son existence, continue à vivre, tout simplement, avec un toit, de quoi manger, la chaleur du soleil, la beauté de la montagne et les souvenirs du passé comme uniques compagnons. Il vieillit, en prend conscience, l’accepte avec sagesse, se félicite même d’avoir durer aussi longtemps. Ce que raconte entre autre ce merveilleux roman, c’est qu’on ne peut échapper à la mort. Elle fait partie de la vie. Andreas le sait, le crie à Jean des Cornes en fuite. La mort de Marie va rendre cette vérité encore plus cruelle. Certains passages du roman sont particulièrement touchants. Le récit de la rencontre avec Marie est un pur bonheur de lecture, tout en sobriété. Il montre la naissance du désir, la sensualité cachée, à peine perceptible. Pas besoin de mot, c’est inutile. Le corps dit tout, avec pudeur, du désir naissant. Les pages relatant la captivité d’Egger pendant la guerre ne disent elles aussi que l’essentiel : la vie, la mort, la beauté du monde et des souvenirs des êtres aimés. Enfin, il y a celles sur l’apparition de la Femme Froide. La mort, puisque c’est d’elle dont il s’agit, se manifeste à Andreas lorsque les souvenirs qu’il a de Marie s’imposent, et deviennent plus importants pour lui que la beauté de la nature qui jusqu’alors le rendait heureux. Alors, il se détache des choses terrestres, lâche prise et s’éteint.

La sobriété du style est un miroir de la vie d’Andreas : simple mais puissante. L’atmosphère poétique du roman est propice à la réflexion : des mots empreints de vérité, aucun superflu, tout en délicatesse, dans la précision, la simplicité. Avec un rythme comme une respiration régulière, apaisée, proche de l’essentiel, Une vie entière est un de ces livres qui respire l’amour de la vie… Un livre qui vous bouleverse et vous marque profondément. »