PAGE DES LIBRAIRES, Coline Hugel, librairie La Colline aux Livres (Bergerac), vendredi 12 août 2016


« La réinvention heureuse »

« Fraternels démarre en fanfare, continue tambour battant, passe par une rave party, un air tzigane et s’achève en apothéose, genre « chevauchée des Walkyries ». C’est un hymne à un avenir heureux, un futur où l’espoir est finalement permis, où les choses vont changer pour aller mieux. Un anti-Soumission

On pourrait dire de Fraternels, le nouveau roman de Vincent Borel, qu’il est l’anti-Soumission de Michel Houellebecq. Tout commence avec un joyeux hurluberlu qui s’amuse à uriner sur la Flamme éternelle de la Résistance… Pas de chance pour la France, il se filme et partage la vidéo avec le monde entier grâce à la nouvelle technologie de son Ifon 11. Pas de chance pour l’entreprise qui commercialise les Ifon, l’énergumène fait partie de la famille du PDG. Et c’est le début de la fin… ou du début ? De Paris à Sarajevo, en passant par la Sibérie, le Pérou et l’Afghanistan, une bande de joyeux drilles nous entraîne dans une histoire picaresque menée avec énormément d’humour et d’intelligence, qui ne cesse de rebondir sans se perdre et qui met le doigt sur les dangers guettant notre société hyper-consumériste et sur-technologisée. Alors n’hésitez pas, plongez dans cette trépidante apocalypse engagée et optimiste. Et réfléchissez à votre avenir. »

Lire aussi l’entretien réalisé lors de la journée Page Rentrée littéraire, le 6 juin 2016, à la BNF.
« Coline Hugel – Vincent Borel, on vous connaît dans un registre plutôt classique […]. Aujourd’hui arrive Fraternels, un livre extrêmement étonnant puisque l’on est projeté dans un futur proche. Pourquoi ce choix, pourquoi ce futur ?
Vincent Borel – En fait j’avais envie de réussir un essai, un roman s’occupant d’aujourd’hui. Fraternels, c’est aujourd’hui regardé avec un léger décalage : on est un peu demain mais on est beaucoup aujourd’hui. Parce que les smartphones existent, parce que la concentration des multinationales autour de l’énergie existe, parce que la montée des intégrismes et des totalitarismes existe aussi. Mais je n’avais pas envie de le traiter de façon dramatique, apocalyptique, désespérée ou pessimiste, j’ai pris le parti d’en rire.
[…]
C. H. – Finalement c’est un roman post-apocalyptique ?
V. B. – Oui, mais une apocalypse sans mort. Ou presque. En fournissant à nos tablettes ou nos smartphones énormément d’informations personnelles, en accordant une folle confiance aux réseaux sociaux, on devient de plus en plus vulnérable car notre sens de l’orientation disparaît, notre mémoire disparaît et notre capacité à communiquer s’évanouit puisqu’on préfère parler avec des inconnus sur Facebook plutôt que dialoguer avec son voisin. J’ai conçu mon roman autour de cette hypothèse : et si, un jour, il n’y a plus d’électricité, si survient la panne générale… Comment fait-on ? Comment ce monde, le nôtre, s’écroulera-t-il ? Deux possibilités s’offrent pour construire un scénario. La façon « américaine » – fin du monde, pandémies, catastrophes, tsunamis, inondations, etc. L’autre solution, c’est de se dire que, peut-être, le temps ne va pas s’inverser mais se calmer, et que l’on va pouvoir se retrouver en se sevrant brusquement des machines. Mais je n’avais pas du tout envie de rentrer dans un processus rétrograde, nostalgique et un peu nauséabond. Le parti pris consistait donc à en rire. La solution n’est pas loin, elle est dans la nature, dans la permaculture, le circuit court pour la consommation, les produits biologiques, etc. Si plus rien ne fonctionne, sommes-nous condamnés à ne plus exister ? Ou possède-t-on les ressources nécessaires pour se réinventer ? J’ai pris le parti de la réinvention heureuse, c’est pour ça que je dis que c’est une apocalypse joyeuse. Ce n’est pas une apocalypse anxiogène, c’est plutôt un livre anxiolytique. […] »