RCF, chronique de Christophe Henning, lundi 15 mai 2023


Écouter la chronique

À lire le précédent roman de Marie Richeux, on aurait pu deviner le sujet du récit que je vous présente aujourd’hui. Quoiqu’il ne s’agissait pas réellement de maternité dans « Sages femmes », paru en 2021, mais d’une fiction autour de plusieurs générations de mères seules qui ont donné naissance à des petites filles sans être mariées. J’avais alors reçu Marie Richeux dans mon émission Au pied de la lettre. « Jours de naissance » n’est pas la suite mais tout autre chose, quoique… C’est en fait le récit des derniers jours avant l’accouchement de l’auteure, ces derniers jours lourds, lourds de promesses mais aussi d’inquiétude, d’un temps suspendu, d’une attente fébrile que seules les femmes, me semble-t-il, peuvent vraiment comprendre. Au moins la littérature nous permet-elle d’approcher ce mystère d’un seul corps enregistrant le battement de deux cœurs. « On dit que tu es née sept jours après le terme. Je pense que tu es née pendant sept jours », écrit l’auteure. C’est le récit intime de cette semaine qu’elle nous raconte dans ce petit livre.

Ça va arriver

Et c’est avec infiniment de poésie que Marie Richeux décrit ces derniers jours avant la naissance : « Une fête se prépare, un bébé se prépare. C’est cela que j’aime dans l’air du neuvième mois, chacun est sur sa ligne, personne n’a tiré de coup de feu, les talons, les tendons : tout est prêt ». N’empêche : c’est là que se situe l’épreuve. L’attente. On ne sait pas quand mais « ça va arriver », scande l’auteure, ce qui conjugue à la fois la patience et une sorte de peur face à l’inconnu : « J’aime ce suspense. Je veux que cela dure. Je veux que cela cesse. Quelque chose va arriver, la plus sidérante des choses va arriver et elle ne préviendra qu’à peine. » Entretemps, les heures passent entre musique, lecture, promenades, escaliers parcourus pour accélérer les choses, comme si l’on pouvait décider de l’heure à laquelle l’enfant paraît. Une fois la date du terme dépassée, la tension s’accroît. L’enfant est-il en retard ou prend-il juste son temps, attend son heure pour entrer dans l’histoire des hommes : « Les naissances veulent des histoires et les histoires veulent naître. »

Et toute naissance est une histoire unique

Le temps n’appartient à personne. Attendre un enfant n’a jamais été aussi vrai qu’aux dernières heures : « Je pense aux forces sismiques qu’il faut déployer pour faire naître un enfant », écrit Marie Richeux. Quand les premières contractions de la naissance s’imposent, tout s’efface. C’est une partie à deux, entre la mère et l’enfant, une histoire qui s’écrit. « Je souris et parle de moins en moins. La puissance s’installe. Un rythme. C’est une musique dont il ne faut pas dévier. » Heureusement, il y a les sages femmes qui sont là. Elles assistent et accompagnent cette traversée : « Comment rejoindre ce monde où les enfants arrivent ? » s’interroge la mère. Avec ce constat qui ne cesse d’étonner : « C’est insensé comme un enfant peut vouloir naître. »