REVUE ÉTUDES, Christophe Henning, juillet 2013


« Les rendez-vous qui comptent surgissent parfois au cœur du quotidien le plus banal. La scène inaugurale du dernier roman de Michèle Lesbre est obsédante : sur le quai du métro, un vieil homme sourit à la narratrice, puis se jette sous la rame quand elle arrive dans la station. L’inconnu rentre par effraction dans l’existence de celle qui s’apprête à rejoindre son amour dans un hôtel de bord de mer. Impossible d’enchaîner sans s’interroger sur le pourquoi de la vie : Je devais affronter seule cette nuit longue et chaotique, je ne pouvais en aucun cas démissionner de cette épreuve. S’ensuit une longue errance dans un Paris brumeux. Le passé revient à la surface. La pluie fine pénètre et lave l’esprit. Exercice de mémoire plus qu’examen de conscience, Michèle Lesbre entraîne sa narratrice dans un bilan en demi-teinte. Comme si la vie se vivait trop souvent à moitié. Quelques regrets, des espoirs déçus, un brin de nostalgie : les années passées défilent. Petit à petit, se dégage l’élan vital, ce qui fait tenir. Michèle Lesbre aime explorer ces zones d’ombre qui s’inscrivent dans une intimité mélancolique et délicate. L’écriture sobre, pudique, sensible, se fait pénétrante. Et l’irréductible solitude s’apprivoise : J’ai écrit la date, l’heure et le nom de la station sur mon cahier. J’ai ajouté que j’aimerais connaître celui de l’homme qui est entré dans ma vie en perdant la sienne. »